«Que se passerait-il si le rejeton de Salinger et de Bukowski, ivre de poésie et de bière bon marché, écrabouillait sa moto dans l'arrière-cour d'un gala donné par Gatsby le Magnifique? Le désordre engendré ressemblerait au premier du roman de Frederick Exley.» — Esquire.
Frederick Earl Exley (1929-1992) est à la fois unique et emblématique. Unique, car il habitait un univers étrange, et n’obéissait à aucune règle, excepté les siennes ; emblématique car, en écrivain américain typique, sa légende s’est faite sur un seul livre. Inédite en France, l’inimitable «autofiction» de Frederick Exley, Le Dernier stade de la soif, est considérée comme un livre culte depuis sa première publication en 1968.
L E L I V R E
Avec mordant et poigne, Exley décrit les profonds échecs de sa vie professionnelle, sexuelle et personnelle. Ses tentatives pour trouver sa place dans un monde inflexible le mènent de l’Université de Californie, à Chicago — où il rencontre la dangereuse séductrice Bunny Sue Allorgee —, aux salons de Greenwich Village à New York, puis le ramènent à Watertown, sa ville natale, où il passe des mois chez sa mère vautré dans le canapé du salon à regarder la télé, avant d’aller vaillamment subir des traitements de choc à l’hôpital psychiatrique d’Avalon Valley.
Entre les bars, les femmes, les petits boulots et des rencontres improbables, l’obsession d’Exley pour les New York Giants et leur joueur star, Frank Gifford, grandit, jusqu’à ce qu’il réalise l’ambition de sa vie: écrire Le Dernier stade de la soif.
Ses mémoires fictives, qui annoncent les autobiographies romancées de Nick Hornby (fan avoué du Dernier stade de la soif et préfacier du livre), de Dave Eggers ou encore de James Frey, ont connu une gloire immédiate. Écrivant essentiellement sur « ce long malaise, ma vie », Exley, à la manière du Consul de Malcolm Lowry dans Au-dessous du volcan, transforme une dérive alcoolisée et révoltée dans une vie marginale en une épopée mémorable habitée de personnages inoubliables — à commencer par Frederick Exley, lui-même. Ses livres sont, en grande partie, chargés de ce qu’il appelle « les fardeaux du chagrin », d’histoires d’injustices et de catastrophes ordinaires.
Il a réussi le tour de force de transformer ses expériences en un époustouflant voyage littéraire. C’est hilarant. C’est poignant. C’est à la fois Nabokov et Bukowski et Richard Yates et Thomas Bernhard.
F R E D E R I C K E X L E Y
Exley est né à Watertown. Au lycée, c’était un sportif de haut niveau, et bien que se considérant comme moins doué que son propre père, il fut toutefois un athlète universitaire fameux, qui mettra fin à sa jeune carrière suite à un accident. En 1953, il obtint son diplôme à l'Université de Californie du Sud, où débute aussi la carrière de footballeur de Franck Gifford. (Ils ne se rencontrèrent que plus tard, seulement après que Gifford eut lu Le Dernier stade de la soif et appelé Exley.) Il arrête ensuite ses études et erre de New York à Chicago, où il travaille pour les relations publiques d'une compagnie de chemin de fer pendant quelques années.
Licencié, il acceptera toutes sortes de boulots. Il travaillera dans un hôtel, avant de coucher avec la femme du patron ; il sera même greffier, mais ça tourne mal car il falsifie des documents. Le plus mémorable de ces boulots fut celui qu’il exerça pendant plusieurs années : professeur d’anglais remplaçant.
Sa vie personnelle suivit le cours de ses performances professionnelles. Il se maria deux fois, et eut deux enfants. Son premier mariage dura trois ans tandis que le second ne dura qu’un an de plus que le précédent.
En 1958, Exley fit le premier de trois longs séjours à l’hôpital psychiatrique. Qu’Exley se soit laissé influencer par son côté le plus autodestructeur pendant des années n’est pas très surprenant, ce qui l’est, cependant, est ce qu’il a réussi à accomplir parallèlement. Durant sa deuxième hospitalisation, il commença à écrire ce qui allait devenir Le Dernier stade de la soif.
«Ce qui explique son succès, ce sont ses échecs», écrivit Christopher Lehmann-Haupt dans le New York Times. Exley remporta plusieurs prix et bourses de la part des fondations Rockfeller et Guggenheim.
Personnage haut en couleurs, journaliste incontrôlable, il entretint des relations épistolaires avec les écrivains de son temps : Cheever, DeLillo, Conroy, Gaddis, Markson, Styron ou Vonnegut. Sa spécialité : téléphoner au milieu de la nuit, complètement saoul.
Frederick Earl Exley, dont la trilogie portant sur sa vie passablement mouvementée remporta tous les suffrages de la critique et du public, mourut à 63 ans en 1992, à la suite de deux attaques cardiaques.