Souvent ancrés dans des problématiques sociétales contemporaines, les romans de conservent toujours une part de rêve, une fine sensibilité, n’enferment pas le jeune lecteur dans des histoires tragiques même si la réalité mise en scène s’intéresse souvent aux plus fragiles, aux conditions de vie des plus précaires, aux laissés pour compte.
Chaque fois lumineux, empreints d’une douce humanité, sans révolte agressive, ils éveillent les consciences, dévoilent des vies attachantes. Curieux de l’Autre, toujours bienveillants, ils dépeignent des cultures, des modes de vie différents, ouvrent au monde. Ni naïfs, ni mièvres, infiniment nuancés. Engagés dans l’intérêt de l’enfant, par-dessus tout !
Ciprian est rom et fils d’Ursari (ou montreur d’ours). Sa famille est nomade, très pauvre mais unie. Mal aimée, souvent rejetée, elle exerce difficilement son activité foraine et sans Dimetriu, le fils aîné, habile voleur (“le champion des emprunteurs”), elle ne mangerait pas tous les jours à sa faim.
Aussi, lorsqu’une filière mafieuse propose au père de quitter le pays pour aller en France et connaître avec les siens, de meilleures conditions d’existence, ce dernier accepte, malgré l’engagement financier exorbitant qui le lie désormais à ces criminels.
L’arrivée en banlieue éloignée de Paris et l’installation dans un camp sordide sans hygiène ôtent toute illusion de bonheur à Daddu et aux siens. “Des ruelles bourbeuses, encombrées d’ordures, de sacs plastique et d’objets qui semblaient abandonnés là depuis toujours. Bouts de ferraille, palettes de chantier, chaises défoncées… ”
Exploités par leurs tortionnaires, ils mènent une vie de voleurs et d’esclaves en un véritable enfer jusqu’au jour où Ciprian découvre, au jardin du Luxembourg, deux joueurs d’échecs pas tout à fait ordinaires et se rend compte qu’à ce jeu de stratégie, il déploie un don remarquable qui pourrait bien changer sa vie.
Une intrigue alerte et sans temps mort, où la réalité la plus noire et la plus désespérée malmène durement les personnages et indispose çà et là le lecteur, même si la tonalité n’est jamais pesante, toujours délicate et même, parfois drôle.
Ce dernier découvre alors de l’intérieur et à travers le regard d’un enfant, un camp de réfugiés en France. Sans misérabilisme, sans avoir besoin de forcer le trait, Xavier-Laurent Petit, progressivement, amène le lecteur vers une prise de conscience plus éclairée sur ces minorités, l’éloigne de certains préjugés, l’interpelle avec justesse et pour longtemps.
Avec la même précision, il décrit les échecs, les tournois et championnats, exprime l’effervescence autour des apprentissages, transmet avec bonheur la passion qui anime Ciprian et ses initiateurs. Moments presque magiques qui contrebalancent avec émotion la dureté des existences décrites, traduisent avec habileté et grâce l’espoir et la joie, l’énergie qui animent le jeune héros et la solidarité stimulante des personnages secondaires.
Cette histoire, pourtant sombre à bien des égards, fortifie celui qui lit. Pleine d’éclats de vie, elle confirme que l’intégration des plus démunis passe d’abord par l’indispensable solidarité des habitants, leur proximité et leur attention, se poursuit par l’éducation, le soutien et l’amour familial, et n’a rien d’utopique, ni d’insurmontable. Mieux encore, elle donne à chacun la possibilité d’un rôle à jouer dans cet accueil des minorités. Un désir d’engagement sincère.
A lire dès 13 ans.