Le Figaro sort un article sur l’attrait de notre patrimoine littéraire qui intervient dans un temps où l’on se désespère toujours de la chute de l’aura culturelle de la France. Cette étude bouleverse nombre d’idées reçues et laisse voir tout l’intérêt que portent les étrangers à notre littérature.
Une anecdote parmi d’autres, il y quelques semaines, c’est grâce à l’écrivain Julian Barnes, au réalisateur Stephen Fry et d’autres artistes francophiles britanniques que la maison londonienne où séjournèrent Rimbaud et Verlaine sera tirée de l’oubli pour devenir un centre culturel. En parallèle, à Etretat, la villa de Maupassant ne trouve pas preneur alors qu’elle est en vente depuis un an.
C’est ainsi que de très nombreux étrangers, professionnels ou amateurs, consacrent une grande part de leur temps à l’étude de la littérature française. Les deux actuels spécialistes de Rimbaud et Verlaine sont britanniques (Steve Murphy, qui vit en France, et Michael Pakenham qui travaille sur la correspondance de Verlaine).
Ils suivent les traces de Robert Baldick, disparu en 1972, traducteur de Flaubert, Chateaubriand et des Goncourt. Sa biographie de Huysmans reste incontournable.
Aux Etats-Unis bien sûr…
Philip Kolb, de nationallté américaine, mort en 1992, a consacré cinquante années à la publication de la correspondance de Proust. A l’Université de l’Illinois, où il était professeur, s’est ouvert en 1993 un Centre de recherche Kolb-Proust qui donne accès à tous ses documents.
Ceux dont les idées ont influencé le monde : Montesquieu, Voltaire, Zola, par exemple, suscitent, évidemment, des vocations partout. Les chercheurs recréent des sortes de salons littéraires internationaux et virtuels, et se retrouvent de temps à autre pour un colloque.
Autre américain sur le devant de la scène, Frederick Brown, professeur à l’Université de New York. Sa biographie de Flaubert sortie l’an dernier a été très bien accueillie par les grands journaux, comme sa précédente sur Zola. Henri Mitterrand, spécialiste de Zola, président de la Société littéraire des amis d'Émile Zola est aussi professeur à l’Université de Columbia aux États Unis.
Les Américains ne publient que 3% d'oeuvres traduites mais ils ont de très nombreux centre de recherches et sites internet consacrés à l’étude de la littérature française. On trouve dans l’Université du Texas à Austin une très intéressante étude sur Racine, et la Georgetown University, à Washington, s'est livrée à un décorticage en règle des Précieuses ridicules de Molière.
Mais les autres pays ne sont pas en reste...
Si l’on prend Victor Hugo, chercheurs et professeurs du monde entier travaillent en même temps sur son œuvre : Shen Dali et Cheng Zenghou en Chine, Naoki Inagaki au Japon, Rachel Killick en Grande-Bretagne, Junia Barreto au Brésil, ou, plus près de nous, Franck Wilhelm, professeur de littérature à l'université de Luxembourg.
Ce dernier dit même : « Le patrimoine littéraire français est si riche que vous ne vous en rendez même plus compte ! Vous êtes trop gâtés ! » On peut difficilement lui donner tort. Il rappelle alors l’officier allemand du Silence de la mer de Vercors, incapable de sortir plus d’un nom pour chaque pays en terme de littérature alors que dans le cas de la France, c’est le choix qui devient difficile !
Même si l’on s’éloigne quelque peu des grands noms, l’intérêt est toujours là, fortement marqué. Lautréamont est ainsi fort goûté des Asiatiques. Jean-Jacques Lefrère, qui dirige la revue Histoires littéraires, s’étonne de ces passions : « Il y a des spécialistes en Italie, en Uruguay, où est né Lautréamont et où les petits-enfants de Français émigrés à la fin du XIXe siècle s'intéressent encore beaucoup à notre littérature... et surtout au Japon. »
Chez les Asiatiques...
Les Chants de Maldoror y ont déjà été traduits sept fois et une quinzaine de Japonais travaillent sur le sujet (en France, nous sommes à peine dix !). Lors d'un colloque à Tarbes sont venus des Japonais qui ne savaient pas un mot de français mais espéraient visiter la maison de l'écrivain.»
Les Japonais ne sont donc pas en reste, l’on retrouve toujours des étudiants nippons au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale. Ce pays possède depuis longtemps une Société de langue et littérature française Kazuo Kiriu a passé vingt ans à numériser la Comédie humaine pour établir un dictionnaire du vocabulaire balzacien avant d'en faire don à la Maison de Balzac à Paris. Ou encore, Hisashi Mizuno est un nervalien reconnu,
Et pendant ce temps... en France...
Dans notre pays, les étudiants boudent de plus en plus les filières littéraires. La série L a perdu 28 % de son effectif en quinze ans. Il ne reste plus qu’à étudier toute la pertinence du proverbe : « Nul n’est prophète en son pays »… Espérons que les années à venir reverrons les Français s’intéresser en masse à leur patrimoine littéraire qui comporte une richesse incomparable.