(Futuropolis) de Jean-Luc Cornette et Michel Constant est-il un livre prémonitoire ? Dans l'histoire récente, on voit plutôt les régimes autoritaires pratiquant le culte de la personnalité, l'embrigadement de la jeunesse et l'espionnage généralisé tomber les uns après les autres. Pour en citer quelques-uns sur une liste non exhaustive : Allemagne de l'Est, Roumanie, Albanie...
chronique BD avec BDfugue
Mais la Corée du Nord résiste encore vaillamment ! Le chemin inverse est-il possible ? Avec la défiance envers l'Europe, perçue par certains comme un rassemblement de technocrates qui saignent les peuples, et la méfiance envers les États, vus par d'autres comme inféodés à la finance mondiale ? Qui sait... Avis aux Bretons, aux Catalans, aux Basques, aux Écossais et à bien d'autres : ce qui est montré dans Le sourire de Mao n'est pas absurde !!!
Pré-publié dans le Soir de Bruxelles, cet album parle donc de politique ce qui n'est pas fréquent dans la BD belge. Mais ce qui arrive parfois, d'une façon détournée : Schtroumpfs verts et verts Schtroumpfs (Le Lombard) est assez exemplaire pour traiter de l'épineuse question linguistique opposant Flamands et Wallons.
À l'initiative d'un éditeur français persuadé que la Belgique est « un pays un peu fou » et donc un cadre idéal pour ce type de sujet, nous voici projetés dans quelques années, alors que la Belgique telle que nous la connaissons n'existe plus. Le fil des évènements conduisant à cet éclatement n'est pas détaillé. Ce qui importe aux auteurs, c'est de montrer un exemple de nationalisme naissant d'une forme inattendue de repli identitaire, et qui n'est absolument pas prévue par les politologues.
Le président-capitaine de la République démocratique de Wallonie, Francis Delcominette, veut que le monde entier admire et respecte son petit territoire. Dans sa vie privée, il est vulgaire et prédateur. Dans sa vie publique, il est paternaliste et démagogue. Mégalomane, aussi : rêvant d'un destin comparable à celui du Grand Timonier Mao, il décide de racheter sa dépouille aux chinois !
Delcominette n'est pas communiste, il admire le charisme de Mao comme le député Willy Burgeon admire Kim Jong-Il dans un des numéros de l'émission de télévision "Strip-tease" : un grand moment de bêtise et d'irresponsabilité !!!
Le sourire de Mao
Jean-Luc Cornette, Michel Constant
sur BDfugue.com
Le décor de cette aventure est gris et triste. C'est la pénurie qui règne, comme après une guerre ou en l'occurrence au plus fort d'une crise économique aigüe. Ludmilla et Manon sont deux adolescentes membres des "Fauves de Hesbaye", sorte de mouvement scout idéologiquement orienté.
Ludmilla est blessée accidentellement par Antoine, un garçon très virulent envers le pouvoir en place. Condamné à trois mois d'enfermement dans un centre de rééducation et d'orientation par le travail manuel (sic), le jeune homme fait la connaissance de Frank, assassin d'un scout fort en gueule et provocateur. Une peine identique pour deux méfaits bien différents...
Le centre est en fait un moyen de regrouper et manipuler les personnes susceptibles de renseigner la police sur les ennemis - supposés ou réels - du régime. Le président-capitaine est persuadé qu'un complot se trame au sein du ministère des Transports et de la mobilité : il faut démasquer les "terroristes".
Ludmilla, Antoine et Franck se rencontrent, petites victimes d'un pouvoir qui règne par la peur... Dans leur sinistre quotidien, la méfiance envers l'autre est la règle, y compris avec les membres de sa famille.
La délation est encouragée et la paranoïa permanente. Tout cela me semble très bien rendu par les auteurs du Sourire de Mao, avec un graphisme simple et faussement banal, dans la tradition de la BD... belge, bien sûr !