Un Taniguchi peut en cacher un autre ! Les Français ont définitivement adopté ce mangaka atypique, cet amoureux de la bande dessinée européenne, cet incorrigible nostalgique ruminant sur le temps qui passe.
Mais le succès aidant, des œuvres plus anciennes nous sont maintenant proposées à la lecture, et démontrent que monsieur Jiro Taniguchi a plus d'une corde à son arc !!!
Enemigo (Casterman) qui vient de nous arriver peut étonner : un récit d'aventures fortement influencé par le cinéma américain, qui nous promène depuis la forêt d'Amérique latine jusqu'à New York dans une atmosphère saturée de violence... et agrémentée d'un peu de sexe ! Un récit qui nous ramène à la fin de 1984, alors que Taniguchi est un artiste chevronné, mais qui dessine uniquement des polars, des histoires de sport ou de science-fiction.
Enemigo, de Jirö Taniguichi
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L'action d'Enemigo est située au Nascencio, un Etat qui vient d'émerger de la dictature et de la guerre civile, et dont le nouveau gouvernement vient de confier au groupe japonais Seshimo le soin de transformer la jungle qui recouvre le sud du pays en terres cultivables.
Son PDG, Yûji Seshimo est enlevé par des mercenaires, dont les commanditaires sont peut-être des nostalgiques de l'ancien pouvoir. Ou des céréaliers nord-américains craignant la concurrence. Ou, plus tordu encore, des membres du conseil d'administration de Seshimo...
Kenichi Seshimo, frère de Yûji, est un ancien militaire devenu détective privé à New York : il débarque au Nascencio accompagné de Gloria, la secrétaire de Yûji, bien décidé à retrouver celui-ci et à le libérer.
Gare aux éclats !!! Avec son style graphique qui « pue le beurre » (dixit l'auteur), c'est à dire qui « sent la cuisine occidentale » selon l'expression japonaise - ou en l'occurrence, le dessin à l'occidentale - Taniguchi n'a aucun mal à internationaliser ce personnage soi-disant venu du pays du soleil levant.
On a là un mélange de "privé" façon polar, solitaire et désabusé, et de justicier à la Rambo, déterminé... et sans pitié pour ses ennemis !
Les chevaux du vent, T2,
de Fourniet et Lax
sur BDfugue.com
Tout cela est efficace, sans finesses excessives, mais le but n'est pas là. Taniguchi respecte les codes inhérents à ce genre d'histoires, et parvient même à glisser quelques traits bien caractéristiques de sa personnalité d'artiste : règlements de comptes mis à part, le rythme du récit est plutôt lent et s'autorise l'arrêt sur image.
Et il y a un chien, Little John, un vrai chien d'attaque qui sauve plusieurs fois la vie de Kenishi !!! Il y a de nombreux chiens dans l'œuvre de Jiro Taniguchi... Surtout, Enemigo est un hommage fervent aux polars dessinés par les Italiens Giardino et Micheluzzi, et aux mangakas européens.
Alors, votre curiosité est-elle piquée ?
Mais jetez un coup d'œil à celui-ci...
Les chevaux du vent (Dupuis) de Lax et Fournier est une très belle histoire familiale, dont le second tome vient de paraître. Dans l'Himalaya indien en 1850, Calay s'efforce de faire le bonheur de ses trois fils malgré les difficultés du quotidien.
Il lui faut entreprendre un voyage autant géographique que psychologique pour leur venir en aide. Humanisme, profondeur des personnages, délicatesse du dessin : un dyptique exemplaire !