Fanny a 12 ans. Bien à l'abri dans un foyer d'enfants juifs pendant la guerre en 1943, Fanny veille sur ses deux petites sœurs Erika et Georgette. Elles n'attendent qu'une seule chose : que la guerre s'arrête pour retrouver leurs parents et reprendre leur vie d'avant.
Les nazis se rapprochent, le groupe d'enfant doit partir au plus vite pour essayer de rejoindre la frontière suisse, pays neutre qui représente la vraie liberté.
Dans un voyage qui va les faire traverser une partie de la France, Fanny va prendre la tête du groupe d'enfants pour les mener au but en essayant de fuir les nazis, mais également certains Français.
Adapté d'une histoire vraie, celle de , est un beau film plein d'espoir dont les enfants sont le plus beau flambeau.
De passage en France, l'auteure qui habite depuis plusieurs années en Israël à fait paraitre le livre pour la première fois en 1986 :
« Moi je ne voulais pas raconter cette histoire, pour moi c'était naturel ce que j'avais fait. […] Ce n'était pas pour moi quelque chose de grand comme la Shoah. » et elle raconte ainsi comment l'idée lui est venue, une idée née d'une rencontre :
« Nous étions en vacances dans un hôtel en Israël, il y avait un couple, moi j'y étais pour dessiner (Fanny Ben-Ami est peintre depuis plusieurs années). La dame du couple me demande un jour pourquoi je parlais français avec mon mari. Elle me dit qu'elle aussi parle français, qu'elle est née à Lausanne. Je lui dis que je connais bien, qu'il y avait un camp de quarantaine à Lausanne, que nous avions passé la frontière, pendant la guerre. Là, elle me demande s'il y avait un rabbin qui venait nous voir dans ce camp. Je lui dis oui, il nous apportait de la crème de marrons, des cacahuètes... et là me dit que c'était son père ! ».
Cette rencontre est vraiment le début d'une nouvelle vie pour Fanny Ben-Ami : « Elle m'a posé plein de questions sur avant la frontière et mon mari était tout étonné parce qu'il ne savait pas non plus. »
Les deux femmes se quittent. Une semaine après, la femme du couple appelle Fanny : « Fanny, tu sais que c'est un livre ce que tu m'as raconté ? »
À notre micro, elle nous avoue qu'elle se souvient bien de ce qui lui est passé par la tête à ce moment-là : « Je ne voulais pas raconter cela. Qui allait le lire ? »
Fanny Ben-Ami - Photo L.H.S.F
La fameuse dame est psychologue, elle connaissait à l'époque une auteure jeunesse israélienne, Galila Ron-Feder, très connu en Israël, peu connu en France. Galila Ron-Feder a contacté assez rapidement Fanny Ben-Ami « D'habitude, je n'écris pas les histoires des autres, mais celle-ci doit être lue par les tous les enfants en Israël. » lui dit-elle.
Après de longues discussions, Fanny finit par céder et accepte de raconter à nouveau son histoire pour que celle-ci devienne un livre, à condition que sa sœur, Erika, vienne elle aussi raconter et témoigner.
Au début le livre s'appelait « La petite cheftaine ». Un illustrateur a accepté de faire les dessins du livre et demande à Fanny Ben-Ami de faire les croquis des « situations importantes », elle dessine, envoie ses croquis et l'illustrateur lui répond « Je ne peux pas faire mieux que toi... ». L'illustrateur réalisera la couverture, la scène ou Fanny passe la frontière suisse et où on les soldats nazis lui tirent dessus.
Galila Ron-Feder, lui offre ses droits et lui affirme « C'est ton livre ! ». Avec les dessins et croquis de Fanny Ben-Ami, son mari Benjamin l'a poussé à faire une exposition. Celle-ci sera vue par des centaines d'enfants. Les anciens enfants, compagnons de Fanny, viendront également, pour la plupart, là voir.
Plus tard, le livre, grâce à l'auteure française Susie Morgenstern, sera traduit en français aux éditions du Seuil jeunesse. L'éditeur fera le choix de ne pas garder les dessins pour ne pas faire trop «enfant ». À la première édition du livre, Fanny Ben-Ami de passage en France, est présente au Salon du Livre de Seine Saint-Denis et, aux côtés de l'auteur à succès, en signera plus d'une centaine le premier jour.
Première couverture du roman en 2011 (Seuil jeunesse)
Fanny Ben-Ami a fait le choix de ne pas tout raconter, mais Lola Doillon, la réalisatrice du film sait tout ce qui n'est pas dit dans l'histoire. Même si Lola Doillon, s'est arrangé avec l'histoire de Fanny Ben-Ami en lui expliquant qu'« un livre est un livre et un film est un film », l'auteure affirme que la réalisatrice « n'a rien dit qui n'est pas vrai dans le film ».
Lola Doillon et Fanny Ben-Ami ont discuté ensemble du scénario et de sa vision du film, Lola Doillon est même venue en Israël pour prendre des photos de l'exposition.
L'auteur en retour est venu sur le tournage et a pu voir les différences entre le livre et le film. Avec les costumes, les décors, Fanny Ben-Ami avoue « Je me suis retrouvé en arrière... » de plus, Juliane Lepoureau qui joue le rôle de la petite Georgette ressemble beaucoup à sa sœur dans la vraie vie, un vrai voyage dans le temps pour cette jeune fille de 86 ans.
Nous avons demandé à l'auteure comment elle voyait notre époque et pourquoi elle avait autorisé à faire un film de cette aventure : « Nous vivons un temps très fragile. Je veux que les gens comprennent que ce sont les enfants qui sont sacrifiés. Ce que j'ai vécu, ce n'est pas du courage, c'est une rébellion. […] J'ai toujours été rebelle. »
Dans un film ou dans un livre, le personnage féminin principal est appelé « héroïne », nous n'avons pas nous empêcher de demander à Fanny Ben-Ami, si elle se voyait comme telle : « Non. Jamais. J'ai fait ce que je devais faire... et j'ai réussi. Tous les enfants sont passés. Pas un n'est resté... »
On reconnaît un bon film avec des enfants quand ceux-ci jouent juste. C'est souvent là où le bât blesse dans les productions françaises. Il y quelques années, Jacques Doillon, le père de la réalisatrice et réalisateur lui-même avait accompli un beau film dans lequel, une petite fille de quatre ans, jouait le rôle d'une enfant qui venait de perdre sa maman, Ponette. Sa fantastique interprétation avait permis à la très jeune comédienne d'obtenir un prix à la 53e Mostra de Venise.
La force du Voyage de Fanny tient à la fois dans cette histoire de l'Histoire, mais également aux jeux subtils des jeunes actrices et acteurs qui arrivent largement à effacer les comédiens « adultes », très connus, dont Cécile de France et Stéphane de Groodt. Tous jouent « vrai » et heureusement, cela ne donne que plus de force au récit.
Jacques Doillon a beaucoup tourné avec des adolescents dans ses films, Lola, sa fille l'a suivi dans ses tournages en tant que 1ere assistante et l'on y voit rapidement une filiation des sentiments et du réel avec les jeunes acteurs.
Si les « petits enfants » faisaient peur à Hitchcock, Lola Doillon les aime et sait magnifiquement les diriger.
Le Voyage de Fanny estun trés beau film qui mérite d'être vu par tous.