Thierry Wolton était récemment intervenu au sujet de la gratuité des frais de port pratiqués par Amazon, dans une tribune offert par le Monde. Nous vous avions rapporté l'essentiel de son propos dans une précédente actualité : on y parlait, et cela ne semble pas prêt de finir, de la gratuité des frais de port, que le cyber-marchand propose.
Vincent, bonjour, les propos de Wolton ont suscité des réactions de part et d'autres. Mais vous nous précisiez que deux points particuliers avaient recueilli votre attention.
Oui. Wolton se trompe. Les libraires n'appartiennent pas à cette unique profession, où l'on renvoie les "produits" s'ils n'ont pas été vendus. Les pharmaciens disposent également de cette possibilité. Bon, c'est pour l'anecdote que je le précise. Cela dit, je partage complètement son point de vue : le retour des livres reste une honte. D'autant qu'il n'existe désormais plus de délai pour retourner les livres à l'éditeur. Auparavant la loi stipulait qu'un délai entre trois mois minimum et 13 maximum devait être respecté.
De fait, un livre peut donc repartir le jour même.
Ce qui se passe, c'est que le livre prend souvent le chemin du retour, s’il a eu mauvaise presse, ou pas de presse du tout d'ailleurs, au cours d'une période, disons de 15 jours. Mais le travail des libraires justement est de permettre une visibilité d'un jeune auteur, en lui accordant une mise en place correcte sur ses rayonnages. Toute leur importance dans le circuit du livre s'articule autour de cet aspect.
Et en ce sens, Amazon est également un libraire.
Précisons d'ailleurs que les frais de renvoi sont facturés à l'éditeur, et que le libraire dans ce cas ne paye donc absolument rien. Wolton tape effectivement juste en affirmant que l'éditeur et l'auteur sont les parents pauvres et les plus lésés sur le prix hors taxe du livre.
Néanmoins, les libraires ont des raisons de se fâcher. Si l'on supprime leurs officines, les jeunes auteurs, ou les premiers livres ou les publications improbables ont peu de chance de rencontrer leur public. Pour autant, critiquer Amazon qui ne met en avant que des best-sellers, c'est se prendre pour une autruche et plonger la tête dans le sable : les libraires physiques font de même [NdR : nous ne saurions trop vous inciter à relire notre critique de L'aube le soir ou la nuit, pour en avoir la preuve...].
Maintenant, mettre en avant la qualité du conseil et le savoir-faire des libraires, je le dis en sachant que je vais m'attirer les foudres de quelques-uns, c'est tout de même cocasse. Je conçois que sur des centaines de livres pour la rentrée de janvier-février, on ne puisse pas tout lire. Mais une vingtaine de livres, au moins, cela doit être de l'ordre du possible.
Effectivement les libraires se contentent aujourd'hui de ce que leur apprend le commercial et de la quatrième de couverture. La qualité du service peut se limiter à cela dans nombre de cas. [NdR : Nous en avons récemment eu la confirmation dans une grande enseigne parisienne. Gibert, pour ne pas la citer...]. Pas partout, certes, et heureusement qu'il existe encore des personnes honnêtes pour faire consciencieusement leur travail. La plus-value n'est donc pas dans le service. Et en ce sens, Amazon est ausi un libraire, puisqu'il propose bien la quatrième de couverture de tout livre vendu. Avec la possibilité de lire els commentaires des lecteurs. C'est peu, effectivement, mais cela donne une indication tout aussi fiable que dans nombre de librairies...
Pour autant, le livre est déjà vendu chez un libraire avec une ristourne accordée par la loi Lang, de 5 %. Tout comme chez Amazon. L'avantage du cybermarchand se place dans cette gratuité des frais de port qui privilégie effectivement son commerce, en le plaçant dans une légalité douteuse. Il faut que cette concurrence puisse être réalisée en bonne et due forme. Voilà où les libraires marquent un point.
Mais si vous me permettez, je conclurai ainsi : le combat mené par le SLF est bel et bien d'arrière-garde. En tant que seul et dernier pays à ne pas pratiquer la gratuité des frais de port, nous nous risquons de nous retrouver dans l'impasse. Après, en me plaçant du point de vue de l'éditeur, quand je contacte les commerciaux du Cherche Midi, ils ont le sourire. Amazon nous fait travailler et très bien. On ne peut certes pas tout ramener au commerce, ni à l'argent, mais à un moment, il faut en prendre conscience.
Effectivement, Vincent, et avec le risque de voir les clients acheter chez Amazon Belgique ou Luxembourg, comme ce peut être le cas des DVD vierges, qui ne sont chez eux pas encore taxés*, et donc foncièrement moins cher.
*taxe également appelée redevance pour copie privée, censée dédommager les auteurs des pertes liées à la gravure de films ou albums, qui ne sont par conséquents pas achetés.