Publishing Perspectives deux anciens éditeurs, William Kingsland et Rakesh Satyal, ont publié un long article intitulé « Why Book Publishers Need to Think Like Amazon ». Selon eux, les maisons d'édition doivent repenser leur rapport aux consommateurs. Il s'agit s'adapter à l'évolution du marché, de la même manière que le géant de la distribution, tout en se gardant d'entretenir un antagonisme entre ebook et livre imprimé.
L'une des principales difficultés d'un éditeur est d'abord de parvenir à gagner la confiance des lecteurs en tant que marque fiable. Traditionnellement, le lecteur fait moins attention au nom de l'éditeur qu'à celui de l'auteur. D'où cette difficulté pour l'éditeur traditionnel d'être proche de celui qui achète le livre : en définitive, peu de lecteurs connaissent véritablement l'identité d'une maison.
Aussi, comparée à Amazon, une maison d'édition n'a que peu de lien avec l'acheteur soulignent les deux éditorialistes. De ce nouveau rapport à construire certains affirment que dépend l'avenir des maisons - ce que certaines semblent aussi croire. Ainsi, Penguin organise-t-elle via Twitter un débat une fois par mois autour de ses titres, donnant même aux internautes la possibilité de parler avec l'auteur. Le pari de l'éditeur était de parvenir à enrichir l'expérience du lecteur - entreprise que le développement des réseaux sociaux a rendue largement accessible.
Pour certaines maisons le désir de se rapprocher du public s'est également traduit à travers la recherche de nouveaux auteurs. Macmillan's Minotaur, en collaboration avec Mistery Writers of America, organise ainsi chaque année une compétition du premier roman policier, dédiée aux jeunes auteurs en quête de publication - presque tous des lecteurs des livres de la maison. De même, Grosset & Dunlap (une maison de Penguin) propose un concours dont le but est d'écrire la meilleure suite au film Dark Crystal.
Initiatives entre tant d'autres qui visent toutes à instaurer un lien direct entre public et éditeur. Il s'agirait donc de ne plus laisser aux seuls libraires le soin d'établir le lien avec le lecteur. Et ceci est d'autant plus vrai que l'essor des nouvelles technologies offre aux éditeurs la possibilité de s'adresser de manière presque intime à l'acheteur.
Se trouvant confrontés à des distributeurs titanesques produisant eux-mêmes leur propre contenu - Amazon en tête de liste - les éditeurs doivent-ils donc désormais supprimer les intermédiaires pour suivre un modèle plus proche de celui d'Amazon ? Cela signifie-t-il le la nécessitée radicale de se tourner pleinement vers les formats numériques ?
Les deux éditorialistes ne manquent pas de remarquer qu'en dépit du succès des ebooks, le livre imprimé garde un grand prestige auprès des lecteurs, et encore plus des jeunes auteurs pour qui une des plus grandes joies est de voir leur livre imprimé dan un format papier. Aussi, une cohabitation harmonieuse est-elle dès lors parfaitement possible entre tous les types de format, qu'il s'agisse des livres imprimés, audio, ou des ebooks.
En somme, penser comme Amazon ne signifie pas devenir un autre Amazon. C'est tirer parti des nouvelles technologies pour instaurer un nouveau rapport avec le lecteur. Et dans ce schéma, nul besoin d'un choix manichéen du support.