Le discours sans fin ou comment le chef Seattle n'a pas dit ce qu'on dit qu'il avait dit
En 1854, à l'heure de céder le territoire de son peuple, sur lequel sera fondée la ville de Seattle, le chef amérindien Si'ahl s'adresse au gouverneur envoyé par le président des Etats-Unis. Son discours a une portée universelle et, s'il n'a été consigné nulle part, il sera recomposé, réécrit, transformé au fil des années pour finir par s'ériger, dans la seconde moitié du XXe siècle, en discours emblématique de la sensibilité écologique. Un vibrant éloge de notre planète interrogeant la place de l'être humain. Ses mots seront repris par un roi, un candidat à la présidence américaine, un prix Nobel de littérature : il deviendra aussi inauthentique que puissamment vrai. Raconter l'histoire du célèbre Discours de Seattle, ce n'est pas renoncer à un très beau texte parce qu'il ne serait pas historique, c'est surtout restituer la véritable histoire d'un chef qui voulait préserver les siens et qui a été trahi. C'est entendre, entre les phrases qu'il a dites, peut-être dites, et celles qu'il n'aurait pu dire, le silence profond des peuples vaincus et des paysages détruits.
09/2024