La disgrâce de Nicolas Fouquet, surintendant des Finances de Louis XIV, a fasciné les écrivains, d’Alexandre Dumas à Paul Morand. Que nous dit Pierre Lepère en s’attachant à son tour au flamboyant ministre déchu ? Qu’il n’y a qu’un pas entre le sommet de la gloire et le fond du gouffre. Que le pouvoir – sa quête et son exercice – a beaucoup à voir avec le donjuanisme et que les perdants, tel Napoléon à Sainte-Hélène, sont magnifiques surtout quand ils ont connu des victoires éclatantes.
Dans ce roman construit en cinq actes, Pierre Lepère met en scène un héros contradictoire, égaré, dépassé par le monde nouveau qui surgit, un aventurier de l’esprit, un mystique qui rêve d’être ermite et qui le lendemain se fait démon. « Nicolas » n’était-il pas le nom que le peuple donnait couramment au diable ?
Passez un autre été, avec La différence...
Né à Lyon en 1949, Pierre Lepère a passé son enfance en Allemagne, en Algérie et au Maroc. Il est poète, essayiste et romancier.
L’Héritage de la nuit, Littérature, 1995.
Monsieur d’Ailleurs, Littérature, 1996.
Le Petit Anarchiste, Littérature, 2001.
Un couple désespéré, Littérature, 2006.
L’Âge du furieux, Minos, 2006.
Cœur citadelle, Clepsydre, 2008.
La Folardie, Littérature, 2009.
Un prince doit venir, Littérature, 2011.
« Nicolas serrait entre ses mains tremblantes la lettre frappée du sceau royal. Une fête ! Le roi exigeait une fête ! Et c’était à Vaux qu’il la voulait. Sa visite de jeune marié, l’année dernière, semblait lui avoir tellement plu que c’était ce cadre enchanteur qu’il avait élu pour la journée du 17 août, durant laquelle toute la cour, six cents personnes, sans compter la cohue des do- mestiques, s’associerait à son bon plaisir.
Nicolas avait les mains libres pour organiser l’événement, quelques semaines à peine pour se rendre indispensable, inoubliable ! Il avait quitté Fontainebleau au début de l’été pour s’enfermer dans sa maison de Saint-Mandé.
Quel repos après les force- ries de ce printemps torride ! Les portes-fenêtres étaient ouvertes sur la galerie. Au-delà de la nappe houleuse et dorée des champs, on distinguait les premiers contreforts de Paris. À droite, l’immense orangerie rafraîchissait la vue. À gauche, dans les jardins qui communiquaient avec le parc du château de Vincennes, maître Jacob Besserman examinait religieusement les pousses qu’il avait fait venir du Sénégal et dont le docteur Pecquet concocterait bientôt des médecines pour Marie de Maupéou.
Nicolas, lui, n’avait plus le temps de fréquenter son laboratoire. Il s’agissait d’infiltrer les âmes grâce à d’autres moyens que ceuxdel’alchimie et de distiller à présent, non des philtres d’amour, mais de pouvoir. Le principal, en l’occasion imprévue qu’on lui offrait, c’était la beauté. Une beauté à la fois évidente et naturelle, abondante et surprenante, succulente et fugitive, charnelle et mélancolique, nocturne et colorée, familière et royale. »