Le cercle des poètes de la Stasi

Au début des années 1980, dans la caserne berlinoise d'Adlershof, QG étroitement gardé du régiment d'élite de la police politique est-allemande, la redoutable Stasi, une poignée de fonctionnaires se réunissent régulièrement pour discuter de poésie. Sous un portrait de Lénine, un ancien vétéran de la Seconde Guerre mondiale, de jeunes prodiges, des soldats et des garde-frontières déclament des vers et échangent leurs points de vue sur la composition métrique, les rimes et l'art du sonnet, persuadés de participer ainsi au combat de leur pays contre les puissances capitalistes et le fascisme rampant. Mais que peuvent les mots face aux armes nucléaires surpuissantes qui prolifèrent à l'époque et pourquoi la Stasi, en plein coeur de la guerre froide, se pique-t-elle ainsi de poésie ? Partant sur les traces des participants de ce club littéraire bien particulier, Philip Oltermann nous plonge dans un univers trouble où la paranoïa grandissante d'un régime en déliquescence investit tous les champs de la pensée, où les espions ne sont pas forcément ceux que l'on croit, et où un simple poème peut vous mener en prison. Réflexion sur la place de la littérature dans un pays qui entendait gouverner les esprits et les mots, Le Cercle des poètes de la Stasi révèle et raconte un épisode méconnu de la guerre froide. A l'heure de la communication omniprésente, est-on sûr d'en avoir réellement fini avec la surveillance du langage ? Originaire d'Allemagne de l'Ouest, Philip Oltermann a étudié la littérature allemande et anglaise à Oxford et à l'University College de Londres. Il dirige la rubrique "Culture Europe" du Guardian. Le Cercle des poètes de la Stasi est son premier livre traduit en français. Traduit de l'anglais par Yoann Gentric

De l'effervescence artistique de l'underground berlinois à l'ombre oppressante de la Stasi, Jan Faktor, écrivain singulier et performeur subversif, incarne la rébellion d'une génération marquée par la censure et le discrédit. En mêlant poésie, performances clandestines et récits poignants, cette première monographie révèle le parcours d'un enfant de l'Est, façonné par les avant-gardes interdites, le poids de l'Histoire et une quête incessante de résilience. Passé d'une dictature socialiste à une autre, l'écrivain Jan Faktor, né à Prague en 1951, fait ses débuts dans l'underground de Berlin-Est en 1978, à l'aube d'une décennie qui, malgré le contrôle par le régime, connaît une effervescence artistique sans précédent à l'échelle de toute la République démocratique allemande (RDA). Les mots d'ordre de la rébellion s'appellent alors fusion entre les arts et expérimentation avant-gardiste. Cette trajectoire sera cependant stoppée net, à peine une décennie plus tard, non pas tant par la chute du mur de Berlin que par le scandale des espions de la Stasi infiltrés dans les cercles alternatifs. L'affaire jettera durablement et sans distinction l'opprobre sur toute une génération d'artistes, parmi lesquels Jan Faktor. Cette première monographie entreprend de réviser ce discrédit général en retraçant l'itinéraire au long cours d'un gars de l'Est qui se réapproprie les traditions, proscrites, des avant-gardes de l'Ouest pour trouver son style et sa voix en RDA et au-delà. Parmi les poèmes, essais, romans qui composent son oeuvre hybride se trouvent les lectures/performances données dans des appartements privés durant les années 1980, dispositif nécessaire à l'époque de la censure, mais qui, non sans intriguer, perdure après les années de clandestinité. Telle est la formule singulière et subversive au centre de cet ouvrage. Lors de ces prestations, l'écrivain, sportif téméraire et bricoleur frénétique, mais aussi enfant de rescapées de la Shoah et adolescent broyé par la répression du Printemps de Prague, devient performeur, s'engageant à corps perdu, donnant libre cours à ses émotions, en chemin, sans doute, vers la résilience.