En ce début du mois d'Avril, autour de cette date à laquelle les chinois vont dans leurs cimetières pour fêter leurs morts, l'ex-Inspecteur Principal Chen Cao vient lui aussi se recueillir sur la tombe de son père.
Cette démarche de souvenir et d'introspection qu'il a trop longtemps négligée malgré les demandes de sa mère lui permet aujourd'hui, certes de faire comme tous ses compatriotes, ici en supprimant mauvaises herbes, là en nettoyant la tombe, mais également de réfléchir à ce qu'il convient bien de considérer comme une mise au placard même si le titre ronflant dont on a affublé le nouveau poste qui lui a été attribué - Directeur de la Commission de Réforme Juridique de Shanghaï tout de même ! - ne peut abuser que ceux qui ne comprennent rien au fonctionnement des rouages politiques de la Chine.
Le nouveau Directeur Chen a beau replonger dans toutes les enquêtes récentes, ou moins récentes, sur lesquelles il a pu travailler, il ne parvient pas à identifier qui a bien pu être froissé, touché, inquiété, malmené par son sens de la justice et de l'équité au point de vouloir s'en débarrasser de cette manière.
Une chose est certaine : mettre en place une telle destitution ne peut être dû qu'à l'occupant d'un poste éminent de la hiérarchie du pays.
Et quand il échappe, par le hasard bienheureux d'un appel téléphonique de sa mère, a un incident qui s'avèrera monté de toutes pièces et qui aurait pu conduire à une dé-crédibilisation totale de son personnage droit et juste, Chen ne se pose plus de question ! Il sait alors avec certitude que c'est bien lui qui est dans le collimateur, que sa nomination est un jet de poudre aux yeux et qu'il devient essentiel pour lui de faire profil bas afin de donner le change et lui permettre d'agir, en sous-main, comme à son habitude, pour détisser une toile construite par une araignée venimeuse.
Après un départ un peu laborieux qui n'a pas manqué de me faire trouver le temps un peu long (même si j'aime bien ces références fréquentes à des poèmes chinois anciens, à des auteurs clairement inconnus, de moi tout au moins), remet bientôt son ex-Inspecteur Principal dans le bain et nous conduit avec dextérité dans les arcanes de la politique chinoise qui mêle allègrement intérêts privés, corruption, ligne du Parti ou encore sourdes batailles de pouvoir.
Je crois avoir déjà dit, à propos d'un précédent ouvrage, que je trouve un peu dommage cette propension de l'auteur à cracher dans une soupe qui lui donne autant d'occasions de faire briller son personnage : là encore, je regrette un peu cette sape systématique de l'image du système qui n'apporte pas grand-chose à la démonstration (même si les propos sont certainement tout à fait justifiés) et qui reste le ferment majeur des trames policières de ses romans.
A tel point d'ailleurs que, cette fois-ci, la mention d'un fait réel qui m'avait totalement quitté l'esprit mais qui est (honnêtement) présenté en quatrième de couverture comme étant le support réel de la trame imaginaire du roman m'a conduit, après avoir fini le livre, à rechercher sur internet des traces de ces évènements assez récents : l'affaire Bo Xilaï.
Déception ! La réalité dépasse presque la fiction et la fiction ne fait même pas l'effort de cacher des noms réels derrière une œuvre d'imagination ! En fait, le scénario est quasi identique aux faits rapportés par les médias, ce qui gâche un peu, après coup, le plaisir de lecture et réduit considérablement l'admiration qui pointait face au travail de l'auteur.
La réalité serait-elle plus brillante que l'œuvre de fiction ?
Quand je rajoute à cela le fait qu'il y a quelques passages finalement assez naïfs de « complotage » familial. Quand je constate comment l'épilogue est lapidaire et tellement convenu, oui, je me dis que je deviens vraiment trop difficile à contenter dans mes lectures. Mais j'avoue que, contrairement à des ouvrages précédents de QIU Xiaolong, je n'ai pas été autant conquis par la lecture de celui-là.
Enthousiaste à l'achat de ce livre du faite de la perspective d'une lecture aussi savoureuse que les précédentes, il ne va pas falloir qu'il me déçoive une fois de plus.