Nous vous parlions, il y a peu, de Kazuo Kamimura le génial mangaka de Lady Snow Blood. Avec Le Fleuve Shinano, les éditions Asuka, vous proposent de découvrir un autre des titres qui ont fait sa renommée et lui ont valu le surnom de « créateur d'estampes de Shôwa ». Aux côtés de Hideo Okazaki, et d'après le roman éponyme de ce dernier, il signe encore un véritable chef d'oeuvre.
Comment résumer un manga aussi dense ...? Nous pourrions vous dire que tout commence aux abords d'une rivière nommée Shinano. Et que « Shinan » signifie « mortelle ». Les familles pauvres qui ne peuvent assumer la venue d'un nouvel enfant, le laissaient dériver le long de la Shinanogawa.
C'est dans cette région que voir le jour la belle Yukie Takano en décembre 1918. L'histoire retrace le destin de cette âme perdue. Le premier volume couvre la période de l'enfance et le début de l'adolescence avec les premières amours et le second la période de l'adolescence et le début de l'âge adulte avec la recherche de son identité.
Le premier tome laisse l'enfance se dérouler même si certains passages sont sombres, l'espoir et l'insouciance animent les personnages. Les traits sont légers et aériens, Yukie et son premier amour, Tatsukichi sont heureux malgré la dureté de la vie et l'on voudrait croire à ses indices qu'ils vivront heureux. Mais des planches sombres et l'ambiance qui règne dans ce manga, nous portent à croire qu'un drame se prépare.
Un premier tome très réussi
Nous n'avons pu décrocher un oeil de ce tome, et pourtant dans les faits, il ne se passe pas grand chose, mais les auteurs ont su doser admirablement bien les jeux au niveau de l'ambiance alternant scènes légères et scènes sombres. les personnages nous semblent étrangers et si familiers. On n'arrive pas à les percer à jour, à les comprendre mais ils restent cohérents. Et que dire du merveilleux travail de Kazuo Kamimura dont les dessins sont toujours aussi originaux et troublant tellement l'émotion transparait en eux.
Un manga noir
Ne perdant pas une seconde, nous nous sommes jetés sur le volume 2. Et là dès les premières planches, dès la couverture même, une constatation s'impose le temps de l'insouciance est révolu. Le second opus du Fleuve Shinano s'annonce beaucoup plus noir que le premier. Yukie part en quête d'elle-même, en quête d'identité, et décide de retrouver sa mère. Les retrouvailles entre les deux femmes sont dérangeantes, glaçantes et constituent un temps fort du manga où le noeud du drame va se serrer. Après ça plus rien ne sera pareil pour Yukie et elle va devenir de plus en plus impénétrable pour le lecteur comme pour les personnages masculins qu'elle rencontrera.
Un chef-d'oeuvre
Si le premier tome nous a tenus en haleine celui-ci nous a littéralement vissé au fauteuil les yeux rivés sur des pages qui défilaient de plus en plus vite. Même si l'on n'aime pas le genre, récit d'une vie ordinaire (quoique), on ne peut qu'être subjugué par la force de ce manga. Nous ne reviendrons pas sur la beauté du trait de Kazuo Kamimura ni sur la finesse avec laquelle il résonne avec l'intrigue et le fond de l'histoire. Nous passerons aussi sur la subtilité des personnages et du scénario. Tout autant que sur la critique de la société nippone des années 30 amenée avec art et justesse. Nous, nous conterons de vous dire que ce titre est essentiel dans une mangathèque digne de ce nom.