La professeure Ruth B. Bottigheimer, qui enseigne à l'université Stony Brook, à New York, a fait tomber la foudre lors de sa dernière intervention, revenant sur l'origine des contes de fées, contestant le fait qu'ils soient issus d'une tradition orale, transmise de génération en génération.
Bien sûr, l'image d'Épinal persiste dans l'imaginaire que de voir les frères Grimm dépositaires d'une sagesse populaire qu'ils auraient recueillie pour en faire ces textes aujourd'hui encore étudiés et lus. Une hypothèse qui est devenue incontestable, mais qui n'aurait aucun fondement historique autre... que la légende.
Et de pointer la moitié du XVIe siècle à Venise comme le point de départ d'une sorte de conte de fées, d'où découlerait toute la veine des Cendrillons : la pauvreté, avec un peu de magie, mène au mariage et à l'argent. Mais ces éléments découleraient des conditions socio-économiques, ainsi que les restrictions légales de l'époque ont donné lieu à l'apparition des premières histoires et son cadre.
En effet, bien que ce ne soit pas forcément plus simple aujourd'hui, les lois de l'époque interdisaient rigoureusement l'union entre un noble et une roturière, alors que la région vivait en parallèle un fort ralentissement économique. Toute sa théorie est présente dans le livre qu'elle a rédigé, Fairy Tales: A New History.
Et l'apparition de ces oeuvres intervient dans un contexte mental où la population se montra particulièrement réceptive : un monde dans lequel on pouvait passer de pauvre à riche magiquement ne pouvait que séduire. De nos jours, on a bien la Française des jeux, mais bon...
Le chat botté, première apparition en 1550
Ruth explique également que c'est bien dans les années 1550 que le genre s'est affirmé, reprenant pour lui certains éléments déjà utilisés dans des récits religieux ou tirés de l'Antiquité et n'ont en eux-mêmes rien de nouveau. Ce qui est différent c'est la naissance de ces contes de fées basés sur un espoir d'une amélioration de leur vie vers un modèle de vie bourgeoise, explique-t-elle.
L'auteur Straparola serait l'inventeur de ce nouveau genre littéraire, avec Le piacevoli notti, qui contient la première version connue de Costantino Fortunato, alias le Chat botté. Aucun signe de cette histoire avant cette date, ni modèle oral ni autre.
Bien évidemment, ces opinions ont été accueillies par la communauté des chercheurs avec un tollé de protestation. « La tradition orale est l'un des principes fondamentaux du folklore et là, elle vient tout mettre en l'air, et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons réagi de cette façon à son papier et son livre », explique Dan Ben-Amos, spécialiste de l'Université de Pennsylvanie.
Sauf que pour nombre d'universitaires, la croyance en une tradition orale résulte avant tout d'une nostalgie de l'époque victorienne, assimilant l'oralité à l'authenticité. Débat passionnant.