Sans doute plus connu pour ses adaptations cinématographiques (Henry Hataway et les frères Coen), (1968) reste actuellement le roman le plus célèbre de l'écrivain américain (1933), installé dans l'Arkansas.
Les Editions Cambourakis proposent, cette fois, la traduction d'un roman plus récent (1979), sorte de road trip décalé et déjanté, dans la veine de la littérature des années 70, avant-gardiste, en rupture et sans limites, psychédélique et rock'n'roll avec cependant une fin moins hallucinante, plus conformiste, et, en ce sens, plus inattendue peut-être ?
Ici c'est l'échappée vers le Sud, les grands espaces et les paysages de l'Arkansas jusqu'au Honduras britannique qui servent de décor à ce périple autoroutier insolite mais pas accidentel car régi par une finalité précise : le narrateur, Ray Midge veut retrouver sa femme, partie avec son ami dans sa voiture personnelle, une Ford Torino et de surcroît avec sa propre carte bleue. « Norma, ma femme, s'était fait la malle avec Guy Dupree […] Ils m'avaient piqué ma voiture, ma carte Texaco et ma carte American Express. » Prêt à en découdre, à se venger de cet affront, il prend la route vers le Mexique avec la voiture de Dupree, une Buick Special 1963, laissée en échange. « Une voiture compacte, un petit tas de rouille réduit à l'essentiel, […] une poubelle sans même une courroie de ventilateur neuve. »
Un voyage loin d'être morne, énergique et peu banal, très expressif, égayé par les rencontres farfelues, les incidents mécaniques, les galères nombreuses, les conversations spécialisées sur la guerre de Sécession, rythmé par une organisation assez désopilante, une ambiance hésitant entre le glauque et le sordide mais, chaque fois, soulagée par la raillerie du narrateur, son point de vue moqueur et son autodérision.
Après avoir laissé sur sa route des hippies, il est vite rejoint par un personnage haut en couleurs, un médecin radié, sorte de loser miteux, converti à la pensée positive, accro à la codéine, le Dr Reo Symes. « Il avait l'air en mauvaise santé. Sa ceinture faisait vingt centimètres de trop […] Il avait de gros cernes noirs et de grandes oreilles charnues, un œil très rouge. » Ensemble ils vont atteindre le Honduras, l'un pour Norma, l'autre pour sa mère. Et les retrouver.
Une deuxième partie du livre, sans la route cette fois, mais dans la ville miteuse de Belize où défilent de drôles de personnages, s'amassent de nouvelles scènes qui peu à peu et à regret, laissent le lecteur sur sa fin, pas complètement convaincu. S'il sourit beaucoup, s'amuse des commentaires de Midge, de certaines situations désopilantes mais aussi désenchantées, parfois tout de même, la saveur s'estompe, se fait moins délicieuse, plus terne, comme une baisse de régime dans le moteur.
Un tout petit manque pour que l'enthousiasme soit sans réserve mais qui n'entame en rien le plaisir et l'excitation d'être du voyage. Aussi vous pouvez prendre la route sans hésiter. Dépaysement et amusement garantis.