Printemps 1492 dans la campagne sarde, Lilliccu relève son dos endolori par une journée de travail dans les champs. Au loin, l'horizon semble bouger.
Comprenant vite quel cataclysme va s'abattre sur ses plantations chétives, Lilliccu enfourche son âne Perdinianu et s'enfuit devant le nuage de sauterelles qui va encore envahir la région et tout y détruire : il va tenter de leur échapper en partant se mettre à l'abri chez son ami Kuaili qui vit dans le marais avec sa chèvre Arrungiosa.
Derrière les murs blancs de la citadelle fortifiée toute proche, le vice-roi représentant l'autorité de la couronne espagnole qui a soumis le pays, averti de la menace imminente qui fond sur le pays comme une calamité récurrente, a décidé d'ouvrir le procès des sauterelles. Les prières des moines sardes n'ayant pas suffi, celles des catalans pourraient réussir. Au pire, ces derniers seraient accusés d'incapacité à intercéder auprès de Dieu, ce qui, sapant leur autorité, redonnerait un peu de vigueur politique au vice-roi.
Négligeant ces affaires finalement très politiciennes, le jeune baron Don Jaume raconte à son acolyte et souffre-douleur Don Rodrigo, avec moult fioritures, exagérations et enjolivements, ses prétendues aventures avec Juanita, la servante de Donna Sibilla. Un Rodrigo enflammé par ces récits et prêt à payer Jaume pour pouvoir lui aussi accéder aux faveurs de Juanita.
Bien que relativement court, ce roman de mêle de nombreuses histoires parallèles.
Et c'est, à mon sens, son plus grave défaut car il s'avère incapable de les mener toutes à bon port.
Trop esquissées, trop imbriquées, chaque partition du roman reste effleurée et manque de consistance.
Certes le côté loufoque du procès des sauterelles est savoureux. Il n'empêche que celui-ci, déjà peu conséquent, s'effiloche à la moitié à peine du livre et ne réapparaît, sous forme de procession, que dans les dernières pages. Pendant que Juanita s'essouffle dans une course éperdue dans les maris, aboutissant à un spectacle macabre. Alors que les parties d'échec du vice-roi avec un bandit sarde ont un petit côté saugrenu, irrationnel et pour le moins inattendu.
Et que les retrouvailles de Lilliccu et Kuaili sont tombées dans des oubliettes au moins aussi profondes que celles où Itzoccor et Ali survivent en mangeant des blattes.
Vous l'avez compris, je suis loin d'avoir été conquis même si j'ai, au moins, redécouvert une page de l'Histoire de la Méditerranée que j'avais oubliée : celles où la Sardaigne était sous domination aragonaise. En même temps que Christophe Colomb partait à la recherche de la route des Indes ! Mais ça, cela n'a rien à voir.