Il des livres, des histoires que le lecteur parcourt sans effort, des pages qui se tournent presque seules, avec aisance et légèreté et qui confèrent, au final, un doux sentiment de plénitude, un apaisement véritable, ce que l'on nomme sans doute aussi bonheur.
Les romans r Ava Ólafsdόttir se rangent dans cette catégorie et si Rosa Candida demeure peut être le plus précieux, celui qu'on n'oubliera pas et dont on regrette la lecture avec nostalgie, L'Exception détient cette même capacité à contenter et ravir de plaisir celui ou celle qui s'en imprègne. Aucune mise en garde de départ, les premières pages entraînent les suivantes, sans complexité ni difficulté d'adaptation. Pas d'effet de lassitude pendant ces 300 pages, le rythme est fluide et confortable, chaleureux et bienfaisant. Essayez, vous verrez ! C'est une gourmandise sans mauvaise conscience, raffinée et savoureuse. Aussi, ne vous privez pas de ce luxe abordable : dévorez-le !
L'Exception est une femme, Maria. « Tu es l'exception de ma vie, dit-il. Je me sentais bien avec toi mais je savais que ça ne pourrait pas durer éternellement […] Je dois être conséquent avec moi-même ». Ainsi s'exprime son mari, Flόki lorsqu'il décide de la quitter pour un homme, son collègue de travail à l'Institut de recherche mathématique. Brusquement ce couple parfait, en apparence uni et heureux, s'effrite, avec en son cœur, des jumeaux de deux ans et demi.
Prise de vertige, tiraillée entre le désarroi, l'effondrement et l'incompréhension, la stupeur, la narratrice se retrouve seule à la maison à gérer le quotidien. Epaulée par ses voisins, Perla, une toute petite femme conseillère conjugale et écrivain de romans policiers. « Un certain mystère entoure sa situation […] Perla assure qu'elle n'a jamais fait partie d'une troupe de cirque. Elle travaille à domicile et partage ses vingt-quatre heures entre le conseil conjugal et l'écriture la nuit, n'ayant besoin que de très peu de sommeil. » Et un jeune étudiant en ornithologie, bienveillant et secrètement amoureux, « Flόki prétend qu'il suffit que je sorte de la maison pour décupler la probabilité qu'il fasse irruption à proximité. »
Elle analyse sa séparation, se remémore sa relation avec son mari, entrevoit avec clairvoyance tous les événements qui auraient dû l'alerter des dysfonctionnements au sein de leur couple. « J'aurais été frappée de cécité sur le rapport des choses entre elles. » Parallèlement, elle retrouve aussi un père biologique inconnu, lève certains secrets de famille, emprunte un nouveau chemin et peu à peu se reconstruit, sans effusion, passe de l'hiver obscur et glacial au « printemps froid du nord ».
Ce qui enchante dans ce récit, c'est la tonalité jamais complètement tragique ni désespérée, toujours empreinte de tendresse et d'une fine drôlerie, réconfortante, gaie et sensible. S'il est de moments où la narratrice souffre, s'effondre même, s'enferme dans la solitude ; l'auteure, bienveillante, ne l'abandonne jamais, la préserve habilement, protégée de douceur et d'humour, l'incorpore également dans une nature authentique et poétique, rude mais majestueuse et salvatrice, énergisante. La tristesse devient alors plus légère, moins amère. Elle est presque une consolation. « Une souffrance profonde aiguise la perception et donne de la valeur à l'existence. »
Enfin, (et c'est le seul bémol) si Perla, personnage secondaire mais très présent (parfois même envahissant), comme tout droit sorti d'une saga nordique, veille sur l'héroïne de page en page, la guide vers sa destinée, elle ne convainc pas totalement, agace même parfois tant elle envahit l'espace vitale de Maria, pèse un peu trop sur l'ambiance aérienne, si envoûtante du roman. Mais d'autres, c'est certain, la verront sans doute comme le véritable protagoniste de cette histoire, celle qui tire les fils.