Louis Delas nous avait posé la chose en des termes simples : le numérique, dans la bande dessinée, c'est un sujet "touchy", alors faut le prendre avec des pincettes. Si dans le domaine, chaque éditeur a mis en place - ou prépare - sa stratégie propre, reste une réalité à proprement parler difficile à éviter : « Le numérique, pour l’instant, coûte de l’argent, ça n’en rapporte pas», nous expliquait le président du groupe BD au SNE.
Gaston reviens, ça va plus !
Mais chez d'autres maisons, on se montre encore plus radical. « On nous met dans une position de voleurs : d'un côté, on tenterait de pressuriser les auteurs pour faire diminuer leurs revenus, de l'autre, les consommateurs veulent payer moins cher parce que l'on parle de numérique... C'est intenable comme position. »
Pointée du doigt par notre interlocuteur, une étude publiée par le MOTif, portant sur le coût de fabrication et la rentabilité du livre numérique. Un apport intéressant à cette question, mais qui laisse le milieu BD dubitatif. « C'est exactement avec ce genre de chose que l'on fausse les enjeux qui se posent à nous », nous précisait-on la semaine passée. « Ce ne sont pas les résultats qui effraient, c'est surtout de savoir qui va s'en emparer et pour brandir quelles conclusions ? »
La conclusion de l'étude était claire, concernant le domaine des livres
«
On peut faire des livres numériques en espérant des gains rapides notamment sur les nouveautés, c’est le message qui ressort de l’ensemble de l’étude. À condition, selon certains, de proposer des prix dits attractifs — des éditeurs l’ont déjà compris, notamment dans le domaine de la bande dessinée — et aussi de proposer des ebooks faciles d’utilisation, convenablement édités et interopérables. Le marché est en accélération rapide avec des supports de lecture de plus en plus nombreux et l’intérêt des lecteurs pour des nouveaux usages de lectures se manifeste. »
Mais quid du secteur BD ?
Des coûts importants, très importants
Eh bien les investissements sont multiples, lourds et pour un marché inexistant, tout simplement. « Oui, Louis Delas a raison : ça nous coûte cher d'investir dans tout cela, et ça ne nous rapporte pas un rond pour le moment. S'il fallait faire payer l'investissement, les titres numériques seraient vendus aussi cher, sinon plus cher que leur pendant papier, c'est certain. »
Et comme il n'y a en effet pas de marché, « nous sommes presque dans la vente à perte, faut pas avoir peur de se l'avouer, surtout si l'on met dans la balance les coûts de production et le nombre de titres vendus, ça ne fait pas un pli ». Pourtant, il faut bien s'y plier à ce marché, l'intégrer maintenant, pour ne pas être en retard plus tard. « Je suis excessif, mais parfois, c'est l'impression d'un 'Marche ou crève', alors qu'on aurait peut-être d'autres enjeux, d'autres questions et d'autres créations à réaliser. »
Et de conclure : « Dans quel secteur s'acharne-t-on à réaliser des produits qui coûtent peut-être dix ou vingt fois ce qu'ils sont vendus ? »
Un pendant du numérique qu'il n'est pas forcément mauvais de rappeler.