« Il y a plus de vingt ans, Yasha existait déjà — et aujourd’hui son héritage se prolonge dans Le Sommeil d’Ève. » Dès ses premières pages, le diptyque Next Generation installe une tension douce-amère : la jeune Arisa, élevée à Hawaï, découvre qu’elle porte en elle un ADN convoité et que son destin est lié à des puissances qui la dépassent.
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Héritage et rupture
Ce qui frappe immédiatement, c’est le rapport implicite — mais puissant — avec le manga original Yasha (1996–2002) d’Akimi Yoshida. Le Sommeil d’Ève s’inscrit comme une suite subtile — voire une relecture — où les thèmes habituels de Yoshida (l’identité, le lien filial, le destin imposé) sont nourris par une dimension « génétique » plus affirmée. Au fil de l'histoire, la mangaka travaille autour de la dualité, de la gémellité ou des miroirs, sur fond d'expériences secrètes et de jeux de pouvoir.
Le parallèle entre Sei et Rin, héros de Yasha, et Arisa (et ses propres liaisons familiales) est palpable : le passé n’est jamais totalement clos chez Yoshida.
Mais Le Sommeil d’Ève ne tombe jamais dans la simple nostalgie. Même si la structure narrative s’appuie sur les mystères des origines, l’autrice prend le temps de poser une héroïne en devenir, tiraillée entre sécurité domestique et appels extérieurs.
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Le tome 2 pousse plus avant les enjeux : alliances, trahisons, et la question — classique, mais redoutable — du libre arbitre. La traduction de Xavière Daumarie se montre ici attentive : elle restitue les nuances — hésitations, silences, incises — et préserve l’ambiguïté propre au style de Yoshida.
Forces et faiblesses : une balance délicate
Le Sommeil d’Ève brille par sa capacité à conjuguer fantastique et drame intime. Le pouvoir (ici le « mana ») n’est pas qu’un gadget scénaristique, mais un révélateur : de liens, de culpabilités, de volontés. Le récit se nourrit aussi de la force visuelle — les planches de Yoshida, dont la maîtrise du clair-obscur et des expressions muettes, construisent une atmosphère frémissante — bien plus qu’un simple « manga d’action ».
Pour autant, le rythme n’est pas exempt de creux : les révélations s’étirent, les dialogues introspectifs dominent par moments, ralentissant l’enchaînement dramatique. Certains passages paraissent un peu « attendus » — l’arrivée de personnages clés, les retrouvailles abruptes — sans toutefois compromettre l’ensemble. On regrette parfois que l’univers périphérique — organisations occultes, intrigues politiques — ne soit pas pleinement exploité dès maintenant.
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Mais ce bémol n’enlève rien à l’agréable surprise que représente ce diptyque. En mêlant héritage narratif et introductions audacieuses, Le Sommeil d’Ève s’adresse autant aux fans de longue date qu’aux nouveaux lecteurs. Chez Yoshida, le passé ne se contente jamais d’exister : il interroge, il hante, il incite à la renaissance.