Paru en 1996 aux Etats-Unis, le roman de connut un vif succès à sa sortie. Vingt ans plus tard, sa puissance émotionnelle ne semble pas avoir faibli. Intemporel et universel, très féminin, il pénètre notre existence avec éclat, lumineux et émouvant. Il éblouit le regard, modifie le rapport aux choses, révèle une nature inattendue, protectrice et salvatrice.
Initiatique et beau, à la fois merveilleux et rude, sensuel et délicat, il va donc tenir le lecteur à l'écart de l'agitation de la société consumériste, pendant près de trois cents pages, le préserver aussi du désordre mondial.
Dans la forêt est une lecture de l'apaisement, aussi réconfortante qu'exaltante.
Le monde court à la catastrophe. Une guerre lointaine semble avoir provoqué la crise. Des pannes d'électricité dérèglent le fonctionnement des villes, une pénurie d'essence paralyse les transports, les magasins ne sont plus approvisionnés. L'économie chancelle et des épidémies de grippe et autres maladie déciment la population. Certains fuient ailleurs dans l'espoir d'échapper à la fin d'une civilisation. (Un peu à la manière des personnages du récent livre d'Emily St.John Mandel, Station eleven.)
Nell et Eva, sœurs adolescentes, vivent avec leurs parents, éloignées de la ville. Elevées au cœur de la nature, instruites principalement par leurs parents, elles mènent une existence singulière un peu marginale mais n'échappent pas au chaos qui s'annonce. Rapidement confrontées à la perte de leurs deux parents, elles vont devoir apprendre à survivre, à résister ensemble au délitement de la civilisation, à l'effondrement du progrès et de la modernité.
A travers l'expérience du passé et les livres, avec le souvenir des belles choses, la pratique maintenue de leur passion (la danse pour Eva et la lecture pour Nell) et en harmonie complète avec le milieu dans lequel elles ont toujours vécu et qui les protège, la forêt, elles s'adaptent progressivement aux bouleversements, font face à l'inattendu, à l'imprévu.
Entre renoncement d'un côté, résistance et lutte de l'autre, elles apprennent à rythmer le quotidien différemment, collaborent avec la nature, se détachent du superflu, endurent les souffrances, toujours ensemble, intimement liées ; éprouvent le vide et le manque, combattent les doutes et remportent des victoires.
Ainsi transformées, elles s'éveillent à une autre vie. "je me suis sentie à la fois déroutée et emplie d'une vie nouvelle, comme si je venais de me réveiller après une longue maladie".
Du néant surgit la lumière, presque magique. Fascinante.
Avec une écriture simple, comme inaltérée, des descriptions d'une force évocatrice pénétrante, le récit (traduit par Josette Chicheportiche) au-delà même de l'intrigue étonnante et des aventures parfois déconcertantes ou exclusives auxquelles les jeunes héroïnes sont confrontées, n'exclut jamais.
Il immerge le lecteur dans une ambiance presque irréelle et terriblement attirante, absorbe totalement son attention, libère une ardente émotion. Epanouit et rend heureux.