Le Salon du livre n'est pas encore fini que déjà des remontées nerveuses de contestation émergent, en provenance d'écrivains algériens qualifiant comme « immoral d'inviter Israël sans la Palestine ». Alors que les écrivains français ont rasé les murs et fait profil plus que bas durant le Salon sur ce sujet, un universitaire islamologue Mustapha Chérif s'est exprimé dans le quotidien L'expression sur le boycott des écrivains arabes, rejoigant la position adoptée par les éditeurs algériens.
Ses questions oratoires trahissent une réelle tension autour de ce rendez-vous : « Pourquoi n’a-t-on pas pensé à traiter en tant qu’invité d’honneur à la fois Israël et la Palestine ? [...] Pourquoi n’a-t-on pas mis sur le même pied d’égalité les intellectuels et écrivains palestiniens et israéliens ? » Et sa conclusion ne laissera personne de marbre : « C’est une discrimination ! »
Dénoncer l'action d'Israël
Cette attitude adoptée par les écrivains ne doit selon lui pas signifier que le dialogue entre les deux peuples est rompu pour autant : « En boycottant le Salon du livre de Paris, les intellectuels arabes n’entendent pas manifester leur indignation contre l’État hébreu, en tant que tel, ni pour renier son existence, mais le boycott a été décidé pour dénoncer l’absence de la Palestine ». Mais M. Chérif accuse clairement la France d'avoir « politisé le Salon du livre et non pas les intellectuels arabes ».
Pour lui, il est cependant essentiel de « dénoncer la pratique, par l’État hébreu, de l’apartheid en plus de la victimisation outrancière, dans laquelle il s’enferme ». Une interprétation dont on laissera à chacun le soin de l'analyse, quand le détournement politique de l'invitation des écrivains israéliens semble ne pas avoir été du fait des organisateurs.
Tout le monde n'est (heureusement) pas du même avis
Une autre intervention, bien plus pondérée, mais tout aussi tranchée a surgi quand Yasmina Khadra, auteur, entre autres des Hirondelles de Kaboul, mais également directeur du centre culturel algérien de Paris. Pour lui, le refus de se rendre au Salon « n'a rien à voir avec la décision des gouvernants arabes, tonitruante et grossièrement insidieuse ». C'est « pour des convictions intimes ». Simplement, il considère n'être « ni le chiot apprivoisé du pouvoir, ni l'Arabe de service du sionisme ».
Et de poursuivre sans en démordre : « Les gouvernants arabes, c’est connu : ils crient sur les toits leur indignation et baissent le pantalon dans les coulisses. Ils sont à l’origine de tous nos malheurs. C’est parce qu’ils n’ont jamais rien foutu que nos nations reculent, et nos intellectuels se "prostituent" avec zèle sur la place publique. »