Zep aime s'aérer régulièrement les bulles, en dessinant des gags d'une ou deux planches, sans Titeuf, le héros qui l'a propulsé en tête des dessinateurs de BD les plus appréciés du grand public. Comme il est d'humeur joyeuse, chaque album commence par un joyeux « Happy ». « Happy Girls » et « Happy Rock » étaient d'abord sortis discrètement aux Éditions Dupuis, dans la collection Expresso, sans grand succès, avant que Delcourt ne sorte en version brochée un troisième tome, plus racoleur, intitulé « Happy Sex », qui a cartonné (malgré sa couverture souple).
Dans la foulée, les éditions Delcourt on republié avec effort marketing conséquent les deux premiers tomes. On dirait que la formule de gags en une ou deux planches a trouvé son public, car voici que sort un « Happy Family » entièrement consacré aux relations parents-enfants.
Zep cherche à faire rire, il axe donc chaque planche sur les difficultés de compréhension entre générations, de la naissance à l'adolescence. Le sujet a été lu et relu, on ne compte plus les séries qui déclinent à l'infini cette problématique. Avouons-le, Zep n'a pas trouvé de formule miracle pour renouveler l'aventure. Ses parents sont aussi caricaturaux que ses enfants. Les vieux sont dépassés par les jeunes, les couples sont fatigués et les gamins bourrés d'énergie, chacun est à sa place, comme dans un vieux manuel scolaire, voire un imagier d'Épinal.
Même si les familles sont plus déstructurées et moins stéréotypées (on a droit des couples homoparentaux et à d'autres familles recomposées), les ressorts sur lesquels s'appuient les gags n'ont rien de très nouveau. C'est encore et toujours les lapsus des parents, la mauvaise compréhension des gamins, la fatigue permanente et les conflits.
On est loin de la richesse de personnages que Frédéric Jannin, par exemple, développait chez Dupuis dans les années 80 pour sa série « Germain et nous », qui fait aujourd'hui figure de documentaire historique (quoi, des ados sans téléphone portable, sans Internet, c'est possible ?) Mais l'humour fonctionne. C'est l'essentiel, car la vaste majorité des lecteurs trouve normal que les gags puisent allègrement dans les clichés les plus plats, tant que c'est pour faire rire.
Des personnages plus variés
Comme Zep ne joue ni les explorateurs de terrain ni les sociologues, finalement, le plus intéressant dans cet album, c'est de voir l'évolution du dessin de Zep. L'auteur s'amuse en effet à varier la dégaine de ses personnages : pour qui s'attarde un peu dans les cases, on savoure les changements de coiffure, d'embonpoint, de look. Dans l'ensemble, les grands échalas et les visages à menton fuyant et grosse bouche, façon Simpsons, sont encore prédominants, mais on sent poindre des bedonnants et des trapus, des barbes taillées, des lunettes de toutes formes et des cheveux en pagaille.
Voilà qui offre une piste toute tracée pour un prochain tome : pourquoi pas Happy Fashion ? Zep aurait l'opportunité de déployer à la fois des silhouettes maigrichonnes et toutes les coupes de cheveux qu'il aura envie d'inventer. Pas d'urgence, de toute façon, au rythme auquel Zep publie, quand le prochain tome sortira, les gamins de ces Happy Family seront des ados et ses ados des adultes ! Et ils auront relu dix fois les planches de ce titre-ci
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