Ami lecteur, il n’est d’affaire, même importante, que tu ne doives cesser dans l’instant !
Il est essentiel, fondamental, indispensable que tu sautes dans un bus, un métro, un avion, un tram, un bateau, que sais-je encore, pour te précipiter chez ton (ta) libraire préféré(e) afin de lui demander, pour l’emporter avec toi aussitôt, ce pavé rouge sur la couverture duquel une ancienne gravure de loup noir et gris ouvre une gueule béante sur un titre blanc : « Le Totem du Loup ».
Ensuite, il est non moins essentiel, fondamental, indispensable que tu coupes l’eau, le téléphone, le gaz, l’électricité (car, même si l’épaisseur de l’ouvrage va te contraindre à y passer la nuit, tu pourras toujours finir à la bougie), les ponts, enfin tout ce qui pourrait être source de dérangement et que tu t’installes confortablement au fond de ton meilleur fauteuil.
Alors, là, tranquillement, tu vas caresser cette couverture en y sentant certainement la douceur de la fourrure de cet animal mythique et tu vas être transporté dans un voyage d’où tu ne reviendras pas le même.
SI tu cherches Olon Bulag dans le dictionnaire Larousse ou dans un atlas de seconde zone, tu ne trouveras rien. En revanche, si tu jettes un œil plus affûté sur Google Earth (oublie cette référence qui n’est pas là pour faire de la publicité, mais simplement pour t’aider à mettre un pays devant ce nom), alors tu vas découvrir cette steppe aux confins de la Chine, au bout du bout de la région autonome de Mongolie Intérieure, à la frontière de la République de Mongolie.
Déjà, cela va donner une autre consistance au roman. Qui du coup prend un petit air de Grand Reportage.
Dans cette steppe vivent, au présent du récit, les pasteurs mongols descendants de Gengis Khan, presque nés sur leurs chevaux magnifiques et glorieux qui ont conduit leur fabuleux ancêtre à tant de conquêtes inimaginables. Avec leurs yourtes dans leurs bagages de nomades, ces fiers cavaliers disputent leurs troupeaux de bœufs, de moutons, de chevaux aux hordes de loups mongols qui peuplent avec eux ces immensités sauvages.
Chasseurs, chassés, chacun à leur tour, tous sont néanmoins les créatures de Tengger le Ciel Eternel qui règle minutieusement un équilibre millénaire entre l’herbe de la steppe, les rats, les marmottes, les pasteurs et leurs troupeaux. Et les Loups !
C’est, comme partout, mais là certainement de manière plus fragile qu’ailleurs compte tenu des conditions climatiques, un écosystème où trop de quelque chose serait un grand danger pour l’équilibre de tout. Où chacun a sa place et la place existe pour chacun. Où la disparition de l’un menace l’existence des autres.
Tous les habitués des cours d’écologie appliquée pourraient n’y voir qu’un nouvel exemple de la dynamique des populations.
Pourtant, c’est d’abord et avant tout, un enseignement immémorial que le vieux pasteur mongol Bilig a décidé de transmettre à Chen Zhen, jeune instruit d’origine han (des agriculteurs !) venu de Pékin travailler dans la steppe avec les pasteurs, à l’issue de ses études. Fasciné qu’est ce dernier par les loups et par ce vieil homme qui s’est pris à le traiter comme son propre fils, il découvre peu à peu ce monde dur et magnifique.
Cet écosystème où l’Homme a tout appris du Loup et tout reçu de lui. Les leçons de chasse bien sûr. Mais aussi la robustesse de ses chevaux, la gestion contrôlée de l’utilisation du milieu et de ses ressources et jusqu’au nomadisme !
Et c’est tout naturellement qu’à la fin de leur vie, les corps des vieux Mongols morts sont confiés à la steppe, allongés sur son sol, les yeux tournés vers le Ciel, laissant aux Loups le soin d’emmener leurs âmes vers Tengger.
Ami lecteur, je ne vais pas t’infliger plus longtemps ma misérable prose qui est à mille lieues du magnifique récit de Jiang RONG (dont je me suis laissé dire qu’il était un peu - largement ? – autobiographique). Traduit, bien sûr, car je ne me vois pas le lire en chinois !
Ne perds pas un instant de plus (comment, tu n’es pas encore parti ?), cours te procurer ce livre, tu ne le regretteras pas.
Et je pense que, quand tu le refermeras, tu regretteras, avec moi, que la « Mission Loup » de France Nature Environnement ait dû faire cesser la parution de son périodique « La Voie du Loup ».
Parce qu’il est regrettable d’oublier que notre Terre, nous ne faisons que l’emprunter à nos enfants !