LE FANTOME DE L'OPERA
"Ce n'est pas une raison parce qu'on découpe une femme en morceaux et qu'on la met dans son poële pour qu'on l'ait tuée ! " "Bientôt un crâne s'étant présenté à nous avec une chandelle allumée dans l'oeil gauche, j'en conclus que nous étions entrés dans l'Empire des vivants". Deux échantillons de style témoins de la violence explosive du rêve et du mystère auxquels l'humour de Gaston Leroux (1868-1927) sert de détonateur. Avec lui le roman populaire est devenu une "machine à rêver", l'adaptation de l'univers des contes de fées aux structures mentales d'une société industrialisée. Dans les paysages d'une Europe révolue, d'avant 1914, Leroux fait réapparaître des personnages éternels comme les nains ou les ogres : le "nain parallélépipède à cinq pattes" qui se déplace comme une roue, aussi vite qu'une voiture ; les ogres Karl le Rouge (La Reine du Sabbat) ou Raspoutine (Les Ténébreuses). Une princesse infortunée chassée à courre dans les forêts d'un Empire austro-hongrois au bord de l'écroulement. Un fantôme amoureux et tyrannique domicilié sur l'île d'un lac situé dans les souterrains de l'Opéra de Paris. Des coups de pioche sous l'empire des tzars. Deux cent mille kilos sur la tête d'une concierge. Des horloges qui sonnent deux et quart au lieu de minuit. Orgies, conspirations, passages secrets, lumières dans la chambre interdite... Chez Leroux, l'imagination est au pouvoir, et le lecteur sait d'avance que, chez lui, tout est possible sauf l'ennui. Francis Lacassin.
05/1998