On leur ficherait des baffes, si l'on s'écoutait, et surtout si l'on prêtait l'oreille aux propos de Gabriel Josipovici, ancien professeur de littérature comparée à l'université d'Oxford. Pour lui, les romanciers anglais actuels sont de petites frappes, des frimeurs de bas étage, dont l'ambition dévorante sert de muse autant que leur orgueil les rend indignes des honneurs qu'ils reçoivent.
Et de citer des Salman Rushdie, Ian McEwan ou encore Julian Barnes, portés aux nues par « un public mal instruit, alimenté par les médias ». Un point de vue que partagent de plus en plus d'universitaires - lesquels sont des frustrés, c'est notoire, de ne pas écrire de romans...
« Nous sommes dans une période de grande jachère », ajoute Gabriel, qui définit le roman anglais moderne comme « profondément décevant - un parent pauvre de ses ancêtres d'avant-garde moderniste ». Tout cela parce que le cynisme a fini par occuper l'ensemble du paysage littéraire, découlant de l'ironie fine et maîtrisée, si plaisante au goût anglais et si typique par ailleurs.
Et regardez-les se pavaner, comme des écoliers gratifiés d'un bon point. « Ces défauts sont généralement moins évidents chez les Irlandais ou les Américains, voire dans les écrits de l'Europe continentale », ajoute-t-il. Bon, sans balancer une liste trop longue, Beigbder, Nabe ou Foenkinos ne sont pas des modèles d'humilité... Mais l'Europe ne s'arrête évidemment pas à la France...
Et particulièrement limités
Notre universitaire travaille de toute manière à un ouvrage, interrogeant la modernité, pour tenter de comprendre ce qui lui est arrivé. Des romans qui manquent d'une vision plus large et n'ont qu'un « horizon limité », tout cela n'est pas terrible. Et surtout pas assez travaillé.
Philipe Roth trouverait grâce à ses yeux : ses oeuvres peuvent être drôles, mais seulement parce qu'elles répondent aux exigences d'un journaliste. Dans l'ensemble, la production reste le fait de personnages arrogants et autosatisfaits. Et qui sont pour beaucoup publiés par Random House.
Contacté par le Guardian, l'éditeur assure qu'il n'est pas du tout d'accord avec l'universitaire, et les auteurs ne sont pas disposés à faire de commentaires... Qui scierait la branche sur laquelle il est assis ?