C’est très difficile de présenter un recueil de plus de deux douzaines de nouvelles tellement différentes les unes des autre mais représentant toujours un tel plaisir de lecture.
Les sujets sont graves ou plus légers mais toujours magnifiquement écrits. En peu de mots, sait raconter une histoire immense qu’il reste à tout un chacun de continuer à se raconter presque sans effort d’imagination tant l’ambiance est aussi complètement construite.
Selon la quatrième de couverture, tous ces textes on été écrits juste après la guerre civile qui a ensanglanté le Mozambique pendant de longues années juste avant la fin du XXème siècle.
Encore un conflit qui aura laissé de profondes blessures d’où Mia COUTO reste capable de faire resurgir une lueur d’espoir malgré la tristesse toujours perceptible de toutes ces disparitions irréversibles. La saudade. Toujours ? L’espoir. Quand même.
La saudade quand l’enfant meurt sous les coups du soldat. Quand l’homme disparaît dans le noir au pied de l’arbre sacré. Quand la vieille s’effondre dans le fossé en revenant de boire des bières au cimetière avec son mari défunt.
L’espoir quand le palmier réconforte de son feuillage l’enfant mort. Quand de la pipe jetée par le vieil homme renaît l’arbre sacré. Quand la vieille, perdue, sent que son mari va venir la chercher.
C’est une explosion de poésie ("la fenêtre : n’est-ce pas par là où la maison rêve d’être monde",…) servie par des mots-valises, des néologismes tous plus savoureux les uns que les autres ("œil pour œil, dent prudent") qui rendent cette lecture incomparable.
Mais qui renvoie tout aussitôt à la qualité de la traduction (Elisabeth Monteiro Rodriguez) tant il est étonnant de constater avec quelle fluidité on entre dans une nouvelle langue, elle-même construite à partir d’une langue déjà détournée. On en vient à regretter, comme cela est parfois le cas, de ne pas bénéficier, en vis-à-vis, du texte original en portugais pour tenter d’apprécier plus encore le travail de traduction, certainement de conversion, d’interprétation et d’imagination nécessaire pour restituer et l’esprit et le sens.
Et Mia COUTO ne se prive pas d’asséner, au passage, quelques maximes ravageuses qui éclairent bien des situations par d’étranges lueurs (l’aveugle "qui ne voit pas est toujours à la bonne place : seul qui peut choisir se trompe, finalement") et donne une immense profondeur à un propos pourtant d’apparence légère.
C’est là une des forces pures de ce recueil que de nous transporter dans des considérations d’une profondeur remarquable en se basant sur une fable. J’ai souvent perçu Mia COUTO comme un griot (un griot blanc) qui sait transmettre les anciennes sagesses sous couvert de contes pour enfants.
Le contexte dans lequel ces textes ont été écrits leur donne encore plus de force et de vigueur.
Surtout ne laissez pas passer une telle aubaine.