Les dictateurs ou les grands criminels sont-ils les victimes d'une enfance particulièrement malheureuse, pour basculer ainsi du côté obscur de la force ? Pour Stéphane Colman et Eric Maltaite, les auteurs de (Dupuis), il n'y a pas de doute : Monsieur Choc, le méchant emblématique des aventures de a bien une revanche à prendre sur la société, à travers tous ceux qui l'ont fait souffrir par le passé et qui ont fait du mal à sa mère adorée.
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Loin d'être une psychanalyse schématique et puérile, cette explication fonctionne parfaitement et donne une épaisseur, une crédibilité à un personnage à la silhouette inoubliable ! Grand, vêtu d'un smoking en toutes circonstances, se séparant rarement de son fume-cigarette, mais surtout coiffé d'un heaume qui dissimule à jamais son visage, Monsieur Choc dirige d'une main de fer une organisation mafieuse, la "Main Blanche".
Bénéficiant de moyens financiers considérables, sa volonté de conquête et de domination impressionne... Lorsque le scénariste de Tif et Tondu, Maurice Rosy, le fait naître, il s'agit pour lui d'améliorer la série en créant un méchant singulier et fascinant, dont les origines restent toutefois mystérieuses.
En 2014, Choc revient dans un préquel imaginé par Colman au scénario et dessiné par Eric Maltaite, fils de Willy Maltaite, responsable pendant des dizaines d'années des aventures du barbu et de son ami chauve (ou l'inverse).
En guise de séquence d'ouverture, les auteurs nous emmènent au cœur de l'hiver 1955, devant le manoir de Knightgrave, en Angleterre. Un agent immobilier y conclut la vente de l'imposant édifice avec un américain au look de gangster, dont les manières bien rudes déplaisent fortement au rigide britannique, mais ce rustre n'est que l'homme de main du marquis di Magglio, resté caché dans sa grosse Cadillac pendant la transaction.
Quand le marquis sort de la voiture pour visiter ce qui est désormais sa propriété, nous reconnaissons instantanément Monsieur Choc. Pendant qu'il parcourt les nombreuses pièces de l'édifice, les souvenirs se bousculent dans son esprit : au cours de la Première Guerre mondiale, sa mère rencontre un soldat anglais près du front.
Choc de Stéphane Colman et Éric Maltaite
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Coup de foudre, et retrouvailles lorsque ledit soldat est démobilisé, un bras en moins. Entretemps, un fils est né, aux origines troubles - suite à un évènement dramatique, que je vous laisse découvrir - et qui souffre de voir son père se détruire par l'alcool.
Après la mort de celui-ci lors d'une manifestation d'ouvriers réprimée dans le sang, la mère de Choc obtient un travail dans le manoir de Knightgrave. Le jeune garçon, bricoleur et débrouillard s'attire les sympathies du maître de maison, mais aussi la jalousie du fils du Lord, qui complote pour le faire envoyer en maison de correction où il est victime d'un gardien sadique...
Copieux album de 86 planches, Choc est un pari réussi à tout point de vue ! L'histoire s'articule autour d'un hold-up spectaculaire sur l'aéroport de Londres, démonstration du génie criminel de Monsieur Choc, et d'une série de flashbacks sur son passé, jalonné de rencontres déterminantes dans la formation de sa personnalité.
Le dessin semi-réaliste s'inscrit dans la continuité des Tif et Tondu, sans édulcorer un propos très violent : les horreurs de la guerre, les meurtres bien sanglants et autres mutilations se succèdent, réservant ce livre à un public point trop jeune. Ce récit prévu en deux parties est à lire absolument, en attendant que renaissent de leurs cendres en 2015, le chauve et son ami barbu (ou l'inverse).