Un sanatorium de Salzbourg. Otto Steiner y traîne sa solitude, ses origines juives et sa tuberculose.
Dans cette Europe centrale où les bottes font beaucoup de bruit, il meuble sa maladie de musique. Quoi de plus naturel au pays de Mozart ? Et quoi de plus révoltant que de voir la musique zimboumboum prendre la place du génie autrichien dans des manifestations culturelles détournées par la propagande nazie ?
Comment imaginer que le Festpiele, dans son temple du Mozarteum, puisse n'être plus qu'un minable récital de musique à soldats, dirigés par des chefs d'orchestre si éloignés de la grâce et de la finesse mozartienne.
Du fond de la maladie qui le mine, à l'abri de sa solitude qui lui permet de cacher le plus possible ce judaïsme dont il ne se reconnaît d'ailleurs pas vraiment, mais qui lui vaudrait les pires ennuis s'il était reconnu, Otto Steiner jette les dernières étincelles de sa vie dans un ultime effort de résistance à l'envahisseur, dans une ultime ambition : tuer Hitler et sauver Mozart.
Avec une minutie métronomique, Raphaël JERUZALMY nous plonge dans l'univers sordide des mouroirs où il existe toujours un moins bien loti que soi et où, malgré tout, continuent à s'exprimer tous les sentiments : de la compassion à la peur, de la révolte à l'abandon.
Où la diminution physique ne s'accompagne pas toujours d'une diminution intellectuelle, ce qui peut rendre plus difficile encore l'acceptation de cette déchéance. Jusqu'au désir d'abréger des souffrances morales trop lourdes à encaisser.
Mais sans pour autant abandonner tout ce qui a pu faire et construire un univers de vie. Et rendre inacceptable le détournement de chef d'œuvres mythiques (aaahhh, Mozart !) dans des lieux magiques (aaahhh le Mozarteum) par des artistes trop proches d'un Parti qui ne fait là que de la propagande.
Se suicider ou tuer Hitler ? Sauver Mozart ou ridiculiser les nazis ? Survivre ou avoir peur ? Relever la tête ou perdre la partie d'échecs ?
Mille instants d'une vie qui s'achève, qui se racontent dans un journal trop peu intime dans un milieu aussi confiné et étroit où chacun espionne son voisin, car son salut pourrait en dépendre. Mille sentiments qui évoluent au fil des pages jusqu'à une apothéose dérisoire en forme de victoire malgré tout.
C'est un livre qui mérite qu'on prenne le temps d'en tourner les pages.