Le nouveau livre de Steve Coll nous propose non seulement le portrait le plus détaillé psychologiquement du cruel cerveau des attentats du 11 septembre, mais également le détail de l’épique histoire de la grande famille d'Oussama ben Laden. Il expose aussi le rôle crucial que ses parents et leur relation avec la famille royale d’Arabie Saoudite, ont joué dans la formation de ses pensées, ses ambitions, son expertise technologique et ses tactiques.
Les ben Laden sont très révélateurs des effets époustouflants de la soudaine richesse de l’Arabie Saoudite sur la culture, alors que les États-Unis nouaient une relation « troublée, compulsive, avide, et secrète » avec cette nation du désert. On y trouve également le conflit que beaucoup de Saoudiens ressentent, partagés entre la piété traditionnelle de leurs ancêtres et les tentations de l’Occident.
Ce livre expose le récit épique d’une famille passant de la misère aux plus grandes richesses, en retraçant les connexions entre le public et le privé, le politique et le personnel. Il conclut alors son livre primé du prix Pulitzer en 2004, Guerres Secrètes : l’histoire secrète de la CIA, Afghanistan, et ben Laden, de l’invasion soviétique au 10 septembre 2001.
Recherches liminaires
Une grande partie du travail de Mr Coll revient aux premiers travaux sur ce sujet, notamment deux livres sur ben Laden de Peter Bergen, et The Looming Tower de Lawrence Wright à propos d’Al Qaeda et le chemin jusqu’au 11 septembre. Cependant, en se concentrant sur les relations conflictuelles entre ben Laden et sa famille et leur relation compliquée avec l’Occident, Coll, journaliste au The New Yorker et ayant travaillé pendant plusieurs années au Washington Post enrichit notre compréhension de nouveaux détails sur la façon dont ben Laden est passé du loyal adjudant de la famille à une brebis galeuse en colère, désireuse de punir ces mêmes personnes avec qui son père et ses frères ont travaillé durant des années.
Enfance d'Oussama
Coll explique comment Oussama, encore enfant quand son père, Muhammad, mourut dans un accident d’avion en 1967, trouva dans une succession de mentors radicaux une figure paternelle, en particulier un professeur de gymnastique de lycée qui l’impliqua dans un groupe d’étude islamique d’après l’école et Abdullah Azzam, un érudit charismatique qui l’initia au « concept de jihad transnational ».
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Un homme qui s’est fait tout seul, le patriarche de la famille, Muhammad ben Laden, quitta un village miséreux et profondément pieux pour chercher fortune. Grâce à conjointement de bonnes compétences, de la sagacité, et une relation étroite avec la famille royale, il devint le maître d’œuvre principal du roi. Il allait léguer ensuite non seulement une fortune à ses enfants, mais aussi ce que Coll appelle « une vision déformée entre ambition et foi religieuse d’un monde sans frontière ».
Formation à l'anglaise
Son fils éduqué en Grande-Bretagne, Salem, qui prit les rênes de la société après sa mort, allait agrandir encore l’influence internationale de l’entreprise, et embrasserait une existence de jet-setter occidental dans laquelle il s’autorisait toutes ses excentricités. Il rêvait par exemple d’avoir quatre femmes de quatre pays occidentaux différents, sa maison ressemblerait aux Nations Unies avec un drapeau états-unien, un allemand, un français et un de l’Union Jack. Salem mourut en 1988 d’un accident d’avion au Texas.
Du conflit à la rupture
De plus en plus en froid avec la famille royale saoudienne, ben Laden quitta le royaume en 1991 pour s’installer au Soudan où il acheta une ferme, éleva des chevaux et cultiva des tournesols tout en entraînant des combattants du jihad (certains qu’il envoya en Bosnie). « Oussama semblait croire durant cette période, écrit Coll, qu’il pourrait tout avoir au Soudan : femmes, enfants, affaires, horticulture, élevage de chevaux, loisirs, piété religieuse et jihad. Il n’avait pas réalisé que sa société, notamment à cause de son incitation à la violence envers des gouvernements amicaux ou dépendants de la famille royale, serait en contradiction avec les intérêts de sa famille à Jeddah. »
En juin 1993, Coll rapporte que sa famille, a priori poussée par le gouvernement saoudien, expulse Oussama de l’actionnariat de l’entreprise Muhammad ben Laden et du groupe arabe ben Laden. L’année suivante, sa famille le répudie publiquement, le Ministère de l’Intérieur annonce qu’il n’a plus la nationalité saoudienne. Oussama commence alors à écrire de longs essais dénonçant la famille royale qu’il fait circuler par fax.
La paranoïa insensée
A la fin, peu après le 11 septembre, de nombreuses familles ben Laden résidant aux États-Unis furent rapatriées en Arabie Saoudite. Un analyste du FBI résumait le rapport du bureau de cette façon : il y avait des « millions » de ben Laden « un peu partout » et « 99.999999% d’entre eux étaient complètement inoffensifs. »
The Bin Ladens: An Arabian Family in the American Century (Hardcover) est publié par Penguin, et sorti hier aux États-Unis.