Sorti de l'ombre par , autre écrivain américain, le roman posthume de , (Sale temps pour les braves, 2012 et Deux comédiens, 2014) respire l'Amérique des Fifties, celle de l'ouest, de la jeunesse et de l'anticonformisme, de la beat-génération, celle des rêves de vies d'écriture, des grandes productions hollywoodiennes et offre au lecteur un moment de divertissement et d'évasion profond.
Créateur de nostalgie, sensible et attachant, d'une atmosphère chaleureuse irrésistible, le livre, pourtant dense, échappe à tout ennui passager. Ardent et puissant, il raconte une époque aujourd'hui révolue (à regrets surannée), celle d'une jeunesse passionnée de littérature, qui se rêve écrivain et entraîne le lecteur sur ses pas. Avec beaucoup de proximité, de l'enthousiasme et un vif désir, la lecture se déploie, affective et captivante. Quel bonheur !
"Etre écrivain ne coûtait presque rien : machine à écrire, une jolie petite Smith Corona portable, vingt-cinq dollars ; du papier, un dollar la rame ; plus le carbone et l'encre pour les copies ; des enveloppes en papier kraft et des timbres ; c'était à peu près tout."
Une narration très structurée, une écriture rigoureuse et précise mais simple, racontent des destinées effrénées, excessives, hors-cadres, toutes conditionnées par le désir d'écrire et le rêve de devenir écrivain.
Un style presque débonnaire, une tonalité tranquille et légère, sans outre-mesure, mais capables de décrire avec la même habileté, la même force, le même réalisme et beaucoup de grâce, les différents personnages ; de rendre compte avec soin des humeurs et des atmosphères singulières, si propres à chacun et ainsi apporter à la lecture un effet de mouvement agréable.
Tour à tour, avec une fluidité étonnante, les destinées des personnages, intimement liées se délient et s'individualisent mais sans jamais se séparer vraiment. Indivisibles. Car c'est aussi l'amitié qui parcourt ce livre.
Charlie Monel, vétéran de la guerre de Corée, Jaime Froward, jeune étudiante talentueuse, Kenny Gross, chasseur de livres rares, Dick Dubonet, une nouvelle publiée dans Play Boy, et Stan Winger, cambrioleur, tous rêvent de devenir de vrais écrivains et de raconter, à travers la littérature, les expériences de leur vie. Et tous, passent à l'acte. Entièrement, intimement, douloureusement.
"Ces poètes étaient brillants, très courageux et buvaient comme des trous".
Différemment, empreints de doutes, pétris d'ambition ou d'humilité, facilement ou avec difficultés, de San Francisco à Portland, de bar de poètes en bar de poètes, entre désillusion et succès, alcool et drogue, ils apprennent à devenir ce qu'ils ont toujours rêvé d'être ; connaissent, la fortune et l'amour, les blessures, les ruptures et la jalousie, la prison, pénètrent même les coulisses de Hollywood ("qui n'avait rien à voir avec le fait de bien écrire. Au contraire.") ; ne renoncent jamais. Marginaux lumineux.
Des idéalistes attachants et émouvants, magnifiques, impossibles à lâcher sans éprouver une petite pointe incisive près du cœur et quelques secousses à travers le corps. Comme une émotion brute.
Foncez ! Ce livre fait tellement de bien !