John Grisham sait certaines choses : il s’est fait refouler 15 fois avant que son premier livre, Un Temps pour Tuer soit publié. Il a gagné 9 millions de dollars l’année dernière. Il n’est pas James Joyce ou William Faulkner. Il est là pour divertir. John Grisham a récemment publié son 21e livre, un thriller juridique (évidemment) intitulé « L’Appel ».
« Je ne suis pas sûr de savoir où se situe la limite entre la littérature et la fiction populaire » nous explique l’écrivain à succès. « Je vous assure que je suis parfaitement conscient que je n’écris pas des fictions et autres dont les gens se souviendront dans 50 ans. Je ne serai pas là dans 50 ans. Je me fiche qu’on se rappelle de moi. C’est seulement du divertissement. »
Grisham est heureux d’écrire ce qu’il espère être « des fictions populaires de bonne qualité ». Les fans eux s’en moquent, ils engloutissent chacun de ses mots.
De temps en temps, il incorpore des sujets sérieux au milieu de son intrigue : la peine de mort dans « La Chambre », les réformes d’assurance dans le Le Faiseur de Pluies, les sans-abri dans L’avocat de la Rue. Aujourd’hui, le soi-disant drogué de la politique et ancien juriste de l’état du Mississipi a écrit un livre qui tient plus de l’intrigue politique que du thriller juridique.
Nouveau livre, nouvelle attitude
L’Appel, (son 21ème ouvrage) raconte l’histoire d’une énorme compagnie d’industrie chimique qui perd 41 millions de dollars lors d’un procès pour avoir causé des morts de cancers et qui essaie en gros d’acheter une élection pour la Court Suprême de l’état où l’appel a bien lieu. « J’imagine que chaque année maintenant est une année politique. Et j’ai juste pensé qu’il était temps d’écrire cette histoire » affirme Grisham, faisant allusion à la course à la Maison Blanche devenue un marathon.
Grisham, qui vient juste d’avoir 53 ans le 8 février avec toujours l’air d’un athlète filiforme poursuivant une carrière de joueur de baseball soutient ouvertement Hillary Clinton. Il concède que les républicains ont appliqué une meilleure stratégie que les démocrates. « Je pense que ce que les républicains ont accompli durant les dernières élections est brillant. Ils ont convaincu beaucoup de gens de voter pour eux même si cela va à l’encontre de leurs intérêts économiques. Ils l’ont fait en manipulant avec brio une poignée de problèmes sociaux, des droits pour l’avortement, pour la population gay et parfois le contrôle des armes. » affirme-t-il. « Et les républicains ont utilisé ces stratagèmes pour effrayer les gens afin qu’ils votent pour les candidats républicains. C’est de la manipulation très habile. »
Des passe-temps comme d'autres
Grisham, qui vit à Charlottesville, dans la région de Virginie est tellement accro à la course présidentielle qu’il prétend sur le ton de la plaisanterie qu’il aura besoin d’une cure de désintoxication après. « Il y a quelques semaines, ma femme et moi étions sortis dîner, et nous avons carrément appelé quelqu’un pour qu’il se renseigne sur les résultats du Nevada », glousse-t-il d’un air penaud. « Et j’ai dit qu’il y avait intérêt à ce qu’on nous dise quelque chose : ‘On est beaucoup trop dedans, vous savez.’ »
néanmoins, il est capable de se sortir des primaires et des sondages pour satisfaire l’appétit des fans, et partir en tournée pour faire de son livre une des meilleures ventes.
Les livres de Grisham se sont vendus à 235 millions d’exemplaires dans le monde selon l’éditeur Doubleday. Certains, ont bien sûr été adaptés au cinéma pour réaliser des superproductions avec à l’affiche des stars comme Denzel Washington, Julia Roberts, Samuel L. Jackson, Tom Cruise et Matt Damon. Les critiques de L’Appel sont en général positives, bien que certaines soient habituelles à propos de Grisham : un bon narrateur mais pas particulièrement bon écrivain.
La critique...
« Quand je commence à lire de bonnes critiques, je m’inquiète des ventes » s’amuse Grisham qui a appris à ignorer les critiques. « Je me porte mieux quand je ne lis aucune critique » explique-t-il. « C’est la seule forme de divertissement où vous êtes critiqué par d’autres écrivains. On ne voit pas des stars du rock faire la critique de l’album d’un autre et on ne voit pas des réalisateurs la faire pour les films d’autres réalisateurs. » Une influence récurrente dans les oeuvres de Grisham est John le Carre, auteur de thriller célèbre comme L’Espion Qui Venait du Froid, L’Honorable Ecolier et Une Petite Ville en Allemagne.»
Grisham confirmant : « C’est toujours mon héros. » Cependant, lui ne lit pas beaucoup quand il écrit. « Nous voulons tous lire de bons livres, alors vous lisez un bon livre par un bon écrivain, et je me prends par inadvertance à imiter untel ou untel. Et vous pensez, « Là, Je n’aurais pas utilisé ce mot, je n’aurais pas écrit cette phrase comme ça. » Je lis beaucoup quand j’écris ». Il a débuté l’année avec pour objectif de lire tout John Steinbeck (Les Raisins de la Colère, Rue de la Sardine, La Perle), l’un des auteurs préférés de Grisham étant jeune. Il vient juste de terminer une « boulimie de Mark Twain ».
Et les confrères ?
« J’arrive à suivre avec les autres avocats (qui écrivent) comme Scott Turow. Je lis tout de Scott. Et je pense que Scott est un écrivain réellement sous-estimé. Il est vraiment, vraiment bon » insiste Grisham. Turow déclarait récemment à The Associated Press que le sentiment était réciproque. « Je suis un grand admirateur de John Grisham à tous les niveaux : en tant que personne, en tant que citoyen du monde littéraire et juridique et évidemment en tant qu’écrivain. John est l’un des narrateurs pré éminent de notre temps, la grâce et la facilité avec laquelle ses histoires s’enchaînent pour nous tenir en haleine est une merveille. »
Parmi les autres écrivains que Grisham apprécie, on retrouve : David Baldacci, Steve Martini, Pat Conroy et Stephen King. « Je vais commencer deux, trois livres par semaine, et en finis rarement un. Mais je regarde toujours » affirme-t-il. « J’adore acheter des livres, les empiler dans la maison. Nous devons avoir un million de livres dans la maison. » Quand il commençait à écrire, Grisham racontait qu’il « avait ces petits rituels idiots et durs mais essentiels.» « L’alarme devait sonner à 5h, et je sautais sous la douche. Mon bureau était à 5mn. Je devais être à mon bureau, avec la première tasse de café, écrire mes premiers mots à 5h30, 5 jours par semaine. »
Son objectif : écrire une page par jour. Parfois, cela pouvait prendre 10 minutes, parfois une heure ; très souvent il écrivait pendant deux heures avant d’aller à son travail d’avocat, qu’il n’avait jamais particulièrement apprécié. Dans la législature du Mississippi, il y avait « un temps incalculable de perdu » qu’il aurait pu mettre à profit pour écrire. « Donc, j’étais très discipliné à propos de ça, » explique-t-il, avant d’admettre qu’il n’a plus la même discipline maintenant. : « Plus besoin. »