fait certainement partie des auteurs, jeunesse comme adulte, qui compte le plus dans la littérature de l'imaginaire. Avec un début d'année très productif, chez parait La fin du Monde. Un roman extrèmement sombre qui commence, comme sa couverture, par un champignon atomique... Angoissant.
Bonjour Fabrice,
La fin du Monde maintenant, en février Invisible et les dangers de la nanotechnologie, ça va bien en ce moment Fabrice ?
En fait, Invisible est la réédition d'un roman paru en 2006 chez Mango. C'est vrai qu'Autres Mondes est une collection assez sombre mais il est difficile, dès lors que l'on envisage l'avenir sous un angle romanesque, d'évoquer ouvertement des perspectives radieuses ou des lendemains qui swinguent. Une histoire naît toujours d'un conflit, d'une friction. Parmi tous les futurs possibles, l'écrivain de science-fiction se plaît généralement à choisir le pire, ne serait-ce que pour se persuader qu'il n'adviendra pas.
Comment t'es venu, pour La Fin du Monde, l'idée d'écrire pour la jeunesse ce thème récurent de la littérature d'anticipation dite pour adulte ?
Le projet n'est pas neuf, mais je l'ai toujours destiné à un lectorat ado. Je ne saurais pas dire pourquoi au juste.
Au départ, l'histoire devait prendre place dans un monde fictif. Depuis que je suis petit, je rêve (littéralement) de crashs d'avions, de raz-de-marée, d'explosions nucléaires – je suis déjà mort des tonnes de fois. Je suppose donc que La Fin du Monde est une sorte d'exorcisme. Quelque part, c'est aussi un fantasme esthétique. Ne nous le cachons pas : l'idée que nous puissions mourir tous ensemble est plutôt réconfortante. Ce qui déplaît souverainement, dans le fait de mourir, c'est l'obligation de quitter les autres.
Est-ce que toi en tant qu'Homme, penses-tu que ce que tu as écris pourrait se réaliser un jour ?
En ce qui concerne l'apocalypse nucléaire, j'ai l'intuition que non. Comme j'ai l'intuition, lorsque je monte dans un avion, qu'il ne s'écrasera pas. Mais je suppose que le monde des morts est rempli de personnalités très intuitives.
Il y a quelques jours sur ton blog, en parlant de littérature jeunesse, tu disais que le problème était le « politiquement correct » et tu finissais avec « rien de bon ne pourra naître du bien que l'on décrète ». Tu pourrais nous expliquer ?
Pour schématiser : dans un roman jeunesse, on part du principe que l'histoire doit se terminer sur une note positive et respecter certaines règles morales au prétexte que c'est que les lecteurs veulent. Or, d'une part, « les lecteurs », c'est comme « les Français », ça n'existe pas, ça ne veut rien dire. D'autre part, la vie se termine mal, la mort est par définition injuste, la malchance peut s'acharner, des événements peuvent ne pas avoir de sens. Un certain nombre de romans jeunesse ne préparent donc pas, de mon point de vue, à la réalité – ce qui ne serait pas grave s'ils faisaient rêver en contrepartie. Or ils échouent aussi à le faire, à cause des règles tacites évoquées plus haut. Par exemple, si je sais avec certitude que le petit chiot du début ne mourra pas à la fin, si je sais que le prince épousera forcément la princesse, je sais que ce qu'on me raconte n'est qu'une histoire : le principe de suspension d'incrédulité n'est pas respecté. Du coup, l'ennui guette.
Une des raisons qui rendent les mangas si populaires auprès des jeunes tient à leur imprévisibilité, à leur construction asymétrique, à la complexité des caractères. On ne sait pas trop ce que veulent les personnages. Rien, peut-être ? Ça, c'est quelque chose qui me plaît. Tout n'est pas affaire de motivations, d'enjeux, de résolution, dans une histoire. Le chaos a sa place. Un certain nombre de romans sont trop bien construits, trop sages, trop lisses. Ça me rappelle l'écriture pour la télé : « ah oui mais on ne peut pas faire ça parce que le spectateur n'est pas prêt, le spectateur veut un monde simple, le spectateur veut qu'on lui parle de lui, etc. » Je préfère faire le pari de l'intelligence et de la douleur. L'âpreté de l'existence est aussi ce qui fait sa beauté. Et le contraire du mal, ce n'est pas la bien, c'est la vie.
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Est-ce que tu penses que le « politiquement correct » vient des éditeurs ou des parents ?
C'est un tout. C'est insidieux. Je ne peux pas dire qu'un éditeur m'ait jamais forcé à écrire un roman politiquement correct : je m'y suis astreint moi-même. J'ai estimé que c'était ce qu'il fallait faire par rapport à ce que j'avais lu, à ce que je percevais du reste de la production. Je n'ai certainement pas eu les bons livres entre les mains. Bon, et puis il ne faut pas exagérer non plus : il y a beaucoup de très beaux textes jeunesse, de plus en plus, même. Et je sais très bien qu'en publiant des affirmations aussi offensives sur mon blog, je prête le flanc à la critique. Mais tant pis.
La dernière fois que nous nous étions rencontrés (voir l'interview du 07/11/07), tu devrais prendre du repos mais une vingtaine de textes (nouvelles ou romans…) sont parus entre temps… Tu ne fais réellement qu'écrire ?
Je crains en effet d'être atteint de graphomanie. Une demi-douzaine d'histoires flottent dans ma tête et ne cessent de me hanter qu'une fois écrites. Alors, d'autres les remplacent. Si je n'écris pas, j'ai des courbatures dans les jambes, des migraines, des fourmis, et je raconte à tout le monde qu'il me reste six mois à vivre.
C'est pourquoi ma reconnaissance envers mes lecteurs est sans limite.
Au mois d'avril paraît le tome 1 de La saga des Mendelson au Seuil jeunesse, tu peux nous en parler ?
C'est l'histoire d'une famille juive à travers tout le vingtième siècle, racontée par un écrivain fictif qui se trouve mandaté par la famille en question. C'est mon premier roman historique.
L'action du 1er tome commence en 1895 à Odessa. Elle se poursuit à Vienne (on y croise Adolf Hitler en pleine crise d'adolescence) puis à Los Angeles.
Chaque volume est assorti d'une iconographie fictive, de documents d'époque, d'extraits de journaux, de cartes postales, etc. Je suis en train d'écrire le second tome.
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Souvent tu donnes ton avis sur des livres jeunesse que tu as lu récemment… Qu'est-ce que tu as aimé dernièrement ?
Comme j'ai peu de temps, je lis surtout les livres des gens que je rencontre et qui deviennent des amis.
En ce moment, c'estLa Fille des batailles de François Place, et Le Monde de Joseph de Marie Desplechin. C'est très bien, et c'est très éloigné de ce que je fais. Je lis très peu de fantasy ou de science-fiction.
Merci beaucoup.
C'est moi qui dois te remercier. Longue vie au site Les Histoires Sans Fin.