Chants
Bien qu’ils aient été, par le passé, plusieurs fois traduits en français, Les Chants de Giacomo Leopardi (1798-1837) n’ont pas encore obtenu en France le statut de classique qu’ils ont en Italie où les écoliers apprennent par cœur très tôt L’infini, Le Samedi du village, Le ressouvenir, Le genêt. Contemporain de Victor Hugo et de tous les poètes romantiques français (Vigny, Lamartine, Musset), il est davantage rapproché des poètes anglais (Keats, Byron, Shelley), comme lui morts en pleine jeunesse. Il appartient, en tout cas, au grand mouvement romantique européen. Stendhal était allé le voir à Florence. Sa renommée avait traversé les frontières. Mais la santé fragile de Leopardi, ses difficultés relationnelles inextricables avec sa famille, ses prises de position politiques qui le rendaient suspect en Italie interdisaient de longs déplacements. Admiré et même vénéré par ses contemporains, il publia peu de son vivant. Il mourut avant la publication intégrale de ses poèmes qui parurent dans plusieurs éditions partielles, avant que son compagnon, Antonio Ranieri, n’assure une édition posthume. Connu comme philologue et comme philosophe, Leopardi ne gagna sa véritable stature de génie poétique qu’après sa mort. Ses poèmes ont des tonalités diverses, qui vont du pamphlet politique, chargé d’ironie et d’insolence, contre une Italie que les guerres napoléoniennes ont épuisée et qui s’étiole dans sa conquête d’unité, à l’élégie amoureuse et nostalgique, en passant par la fable allégorique, la description de la vie quotidienne des humbles, l’apologue antique, l’épigramme politique et la rêverie métaphysique. Rédigés dans un style extraordinairement concis et fort, ils portent la marque d’une pensée philosophique intense et ramassée. Jamais mièvres, même dans la nostalgie, ils manifestent une conscience aiguë de la fonction poétique et font preuve d’une force d’évocation unique dans la poésie italienne. Il faudra attendre Pier Paolo Pasolini pour retrouver la même liberté d’esprit et la même émotion.Cette nouvelle traduction tente de respecter la prosodie du poète, parfois libre, parfois contraignante, parfois archaïsante, parfois moderne, mais toujours naturelle. En même temps que sa traduction, René de Ceccatty (qui a déjà publié chez Rivages Philosophie pratique, une sélection du Zibaldone de Leopardi) fait paraître, aux éditions Flammarion, Noir souci, Giacomo Leopardi et son ami, récit de l’amitié passionnée du poète pour Antonio Ranieri, de la genèse de son œuvre poétique et de ses derniers jours, à Naples, pendant l’épidémie de choléra. La vie trop brève de Giacomo, l’importance de son œuvre dans les champs philosophique, politique et poétique ont suscité en Italie un culte de Leopardi égal à celui de Rimbaud ou Mallarmé en France.
04/2011