Les terranautes
Une gigantesque biosphère sous verre, plantée quelque part dans l'immensité de l'Arizona par la volonté démiurgique d'un milliardaire passionné de sciences. Une mer intérieure, une forêt tropicale, une mini-savane, un élevage de chèvres, et surtout, huit scientifiques - quatre hommes et quatre femmes - enfermés dans cette serre géante pendant deux ans, pour tester la résistance de l'être humain, sa capacité à vivre en autarcie, et observer la naissance d'un biotope, voilà le cadre du dernier roman de T. C. Boyle. Ce dispositif - qui a réellement été mis en place dans les années 90 aux Etats-Unis - permet au grand romancier de poser son regard féroce sur l'être humain en plaçant ses personnages sous une loupe grossissante. Au-delà de l'expérimentation scientifique, Boyle s'intéresse surtout aux interactions de huit personnes enfermées dans une promiscuité infernale pendant deux ans, obsédées par le principe que rien ne doit " ni entrer ni sortir " , obsédées aussi par la nourriture, et par le sexe, bien sûr. L'expérience nous est racontée par trois voix en alternance : celle de la très sérieuse Dawn, en charge des animaux dans la serre, celle de Ramsay, hédoniste et séducteur, responsable de la communication, et, de l'autre côté de la vitre, celle de Linda, l'amie de Dawn et néanmoins dévorée de jalousie à son égard, car reléguée dans l'équipe de soutien et obligée de commenter les événements de l'extérieur. A l'intérieur de la bulle, on travaille jusqu'à l'épuisement, simplement pour nourrir les huit terranautes, on cuisine à tour de rôle avec les moyens du bord en redéfinissant sans cesse les notions de faim et de satiété, mais on doit aussi se livrer à des mises en scène élaborées pour communiquer au monde extérieur une impression de bonheur. Car il ne faut pas oublier la publicité et les sponsors. Mais lorsque les projecteurs s'éteignent, les rivalités éclatent, et les attirances aussi. Quand Ramsay séduit Dawn, et quand cette dernière tombe enceinte, toute l'expérimentation est menacée... T. C. Boyle nous plonge ici dans un huis clos qui ressemble fort à une émission de télé-réalité. Son humour est plus féroce et plus efficace que jamais.
03/2018