Wabash est une institution du Sud de l'Indiana qui a basculé de l'étude des modes de communication chez les chimpanzés à l'étude du langage chez les petits enfants quand l'ouverture d'une crèche a fourni aux chercheurs l'occasion de nouveaux territoires d'investigation dans tous les domaines de l'apprentissage du langage.
Sous la direction de Walter Wach, une équipe de linguistes observe, étudie les enfants de la crèche pour tenter de comprendre comment ils développent leurs propres modèles avant d'intégrer doucement le système commun de communication.
Parmi eux, Jeremy Cook étudie justement ces dispositifs que les enfants auto-développent bien avant de s'accrocher, plus tard, au système des adultes : les idiophénomènes. Et il explique justement, ce jour là, ces grands principes à Henry Philpot, un journaliste que Wach lui a confié afin de lui présenter les activités et le personnel de Wabash.
Lors de cette présentation le premier élément déstabilisateur pour Cook sera de capter inopinément un brin de conversation entre Jane et Paula, une nouvelle intégrée à l'équipe de puéricultrices, au cours duquel cette dernière l'affuble du qualificatif de trou-du-cul.
Le deuxième sera d'apprendre que Marie, la secrétaire de Wach, a découvert, dans son propre bureau où il lui avait demandé d'aller chercher des documents à remettre à Wach, le cadavre d'Arthur Stiph, un des sept linguistes de l'équipe.
L'arrivée de l'inspecteur Leaf, de la police locale, qui, face aux évidences, commence à le soupçonner de ce meurtre conduit rapidement Cook à mener sa propre enquête, au moins pour tenter de prouver son innocence.
Je n'irai pas jusqu'à déployer toute la dithyrambe rapportée sur le bandeau qui entoure le livre mais il faut reconnaître à d'avoir concocté là un roman de type policier de bonne facture.
Les personnages y sont gentiment décortiqués dans leurs rapports avec autrui et, surtout, la linguistique fait une entrée tout à fait remarquable dans le panel déjà important des méthodes modernes mises à la disposition des enquêteurs pour démasquer un meurtrier.
Voilà, en effet, des linguistes qui vont utiliser leurs recherches pour faire avancer l'enquête jusqu'à un dénouement assez peu conventionnel, il faut bien le reconnaitre.
Mais, au-delà de l'enquête policière, il y a plein de petites choses intéressantes dans ce livre.
Bien sûr le fonctionnement de la société américaine avec ces mélanges des genres, qui peuvent nous paraître assez étonnants de ce côté-ci de l'Atlantique, entre enfants-cobayes dans une crèche et chercheurs subventionnés par une fondation qui aujourd'hui se préoccupe de linguistique pour orienter demain ses aides sur les énergies renouvelables.
Ensuite l'analyse des rapports humains entre les personnages qui travaillent ensemble mais qui sont tellement dans leur bulle qu'ils ne voient pas vraiment leurs collègues dont ils inventent, au fond, les relations amicales ou inamicales qui les lient.
Quelques digressions étymologiques sur les noms des gens ou les noms de lieux de l'Amérique Profonde ne gâchent pas le plaisir.
Et surtout une intéressante notion de contre-amitié susceptible d'être l'alpha et l'oméga du Bien et du Mal de par le monde, apte à ouvrir à la compréhension de toutes les « nuances de répulsion réciproque » entre les Hommes.
Quant aux babillements des enfants, les rudiments linguistiques utilisés par l'auteur nous amènent à mesurer où commencent les abîmes d'incompréhension entre les êtres….