Elle est là sous les yeux des contemporains, nouveau phénomène du décor quotidien, présente à tous les coins de rues pendant l’Occupation et même durant les années d’après-guerre, incontournable, omniprésente, mentionnée dans les témoignages et les travaux des historiens, suggérée dans les romans et pourtant nulle part décrite ; nulle part, elle ne fait l’objet d’une véritable attention, la queue devant les magasins d’alimentation. Il faut tout l’esprit d’observation, la curiosité amusée et désabusée tout à la fois d’un chroniqueur mondain, Paul Achard (1887-1973) dans La Queue, Ce qu’on en disait, Ce qu’on y pensait, pour en saisir l’enjeu – pour littéralement la voir.