Une tour, des racines et de la fureur
Elle avait trente ans et les turpitudes de cet âge, de son être-au-monde aussi, régnait déjà sur la Tour, mais habitait sobrement ses racines, une vieille souche paysanne, d'extraction haute, sédimentée là, dans la glaise aqueuse de ses plaines grises, siphonnant un bonheur émacié, nourrie à la poudreuse immune de ses céréales, abreuvée au lait ébène de ses nourrices, irradiée à l'onde souveraine de ses traditions définitives, doses, scellées, cadenassées, piégées dans un émincé de chair et d'esprit sous le cuir tanné de ces gens-là, et tellement eux que lorsqu'ils se coupaient elles giclaient d'abord, leur sang à la suite. Une souche, pourtant, dans la matrice voyageuse que le poète sorti de ses entrailles fanait venir de la lointaine vallée du Nil et nommait, en égyptien ancien, la traceuse de chemins. A cette souche austère et farouche, aussi ouverte que fermée au monde, il fallut adresser de nombreuses ambassades pour gagner l'honneur d'en dessoucher la liane... Là, longtemps avant elle, a débuté l'histoire de Sanou Bambyl Codou K. Elle vaut le détour.
06/2022