Jacques de Lacretelle (1888-1985) figure dans le documentaire « culte » (cliquer ici) sur Marcel Proust de Roger Stéphane (1962). Dans le film, c’est déjà un monsieur âgé, distingué, qui parle avec beaucoup d’afféteries. Il parle avec de longues phrases, une diction impeccable, tout comme Paul Morand qu’on voit juste après, accompagné de sa femme, l’étrange princesse Soutzo. C’est l’occasion, pour nous, de mesurer combien la façon d’être et de s’exprimer des écrivains a changé : les écrivains qu'on entend ont été jeunes avant la première guerre mondiale. A travers le reportage de Roger Stéphane, c’est le miroir terni du monde du 19ème siècle qui réapparaît, juste avant de périr, cette fois définitivement. Écouter Lacretelle est pénible, car l’homme est vraiment précieux et, autant le dire, du moins en ce qui me concerne, sa voix de fausset est assez exaspérante : il est pourtant l’auteur de ce très beau livre « Silbermann » paru en 1922 (prix Femina), 130 pages, un des plus beaux textes jamais écrits contre l’antisémitisme : un roman, un texte court, ramassé, simple et clair, avec une histoire qu’on ne lâche pas.