Iris, journaliste française installée à Vienne avec Paul, tente de « se réparer » après plusieurs FIV infructueuses et un couple en suspens. La course à pied devient son seul cadre, son instrument de survie sur la Ringstrasse. Un matin, derrière une plinthe descellée du salon, elle découvre un carnet jauni, daté de 1862 à 1877, « un extraordinaire trésor ». Écrit en allemand ancien, soigneusement dissimulé dans le mur, il agit comme un appel. Iris s’y engouffre : « Je devais percer les mystères de cet étrange document. »
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Une chute dans l’escalier précipite la rencontre décisive : Emilia Hamburger, voisine âgée et vive, la recueille — « Voilà comment Emilia Hamburger entra dans ma vie. » À partir de là, le roman s’ouvre : la Vienne contemporaine se superpose à la ville du carnet, avec ses fantômes, ses passages et sa mémoire murée.
Au fil de l’hiver, entre Palmenhaus, cafés et Mozart de pacotille, Iris aligne les fragments : dates, noms, lieux. Peu à peu, elle comprend que le journal, plus qu’un témoignage, révèle une histoire familiale et urbaine souterraine. L’intime et l’historique se nouent : réparer le corps, c’est aussi réparer la mémoire.
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La narration, à la première personne, avance par élans et suspensions. Iris raconte au présent rétrospectif, dans une prose où chaque geste — ouvrir une porte, franchir un escalier, soulever une plinthe — devient passage entre deux temps. La focalisation interne épouse la faille d’une conscience vacillante : « J’avais l’impression de ne plus m’appartenir, d’être devenue étrangère à moi-même. »
Trois lignes s’entrecroisent : le couple Iris/Paul, fragilisé mais tenu par la tendresse ; l’enquête quasi journalistique autour du carnet ; et la présence d’Emilia, guide ironique et bienveillante — « Schatzi… Thé ou café ? ». Les dialogues installent les rapports : Paul apaise, Emilia oriente, Iris résiste. Le carnet devient un personnage à part entière, celui qui redonne à la protagoniste le goût du travail, du monde et de la langue.
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Le style alterne respirations longues et phrases coupantes : « Scheiße. » ; « Vienne ? » ; « Alors, ce sera la fin. » Cette scansion donne au texte une tension presque musicale. Vocabulaire concret, lexique sensible, italiques en allemand ou en latin (« Mens sana in corpore sano ») : la prose dresse une Vienne tactile, sonore, jamais pittoresque.
Le roman interroge la persistance des traces : que fait un secret à ceux qui le découvrent ? Le carnet, sorti du mur, devient métaphore d’une renaissance. Sous la neige viennoise, Iris retrouve le goût d’agir — non pour comprendre, mais pour continuer à chercher.