#Essais

Changer l'eau des fleurs

Valérie Perrin, Françoise Cadol

Violette Toussaint est garde-cimetière dans une petite ville de Bourgogne. Les gens de passage et les habitués viennent se confier et se réchauffer dans sa loge. Avec la petite équipe de fossoyeurs et le jeune curé, elle forme une famille décalée. Mais quels événements ont mené Violette dans cet univers où le tragique et le cocasse s'entremêlent ? Des liens qui unissent vivants et morts sont exhumés, et certaines âmes que l'on croyait noires, se révèlent lumineuses. Valérie Perrin nous offre l'histoire intense d'une femme qui, malgré les épreuves, croit obstinément au bonheur. Avec ce talent si rare de rendre l'ordinaire exceptionnel, Valérie Perrin crée autour de cette fée du quotidien un monde plein de poésie et d'humanité.

Par Valérie Perrin, Françoise Cadol
Chez Audiolib

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Editeur

Audiolib

Genre

CD K7 Littérature

À mes parents, Francine et Yvan Perrin.

Pour Patricia Lopez « Paquita » et Sophie Daull.

 

 

1


Un seul être nous manque et tout est dépeuplé.


Mes voisins de palier n’ont pas froid aux yeux. Ils n’ont pas de soucis, ne tombent pas amoureux, ne se rongent pas les ongles, ne croient pas au hasard, ne font pas de promesses, de bruit, n’ont pas de sécurité sociale, ne pleurent pas, ne cherchent pas leurs clés, leurs lunettes, la télécommande, leurs enfants, le bonheur.

Ils ne lisent pas, ne payent pas d’impôts, ne font pas de régime, n’ont pas de préférences, ne changent pas d’avis, ne font pas leur lit, ne fument pas, ne font pas de listes, ne tournent pas sept fois leur langue dans la bouche avant de parler. Ils n’ont pas de remplaçants.

Ils ne sont pas lèche-cul, ambitieux, rancuniers, coquets, mesquins, généreux, jaloux, négligés, propres, sublimes, drôles, accros, radins, souriants, malins, violents, amoureux, râleurs, hypocrites, doux, durs, mous, méchants, menteurs, voleurs, joueurs, courageux, feignants, croyants, vicelards, optimistes.

Ils sont morts.

La seule différence entre eux, c’est le bois de leur cercueil : chêne, pin ou acajou.

 

 

2


Que veux-tu que je devienne si je n’entends plus ton pas, est-ce ta vie ou la mienne qui s’en va, je ne sais pas.


Je m’appelle Violette Toussaint. J’ai été garde-barrière, maintenant je suis garde-cimetière.

Je déguste la vie, je la bois à petites gorgées comme du thé au jasmin mélangé à du miel. Et quand arrive le soir, que les grilles de mon cimetière sont fermées et la clé accrochée à ma porte de salle de bains, je suis au paradis.

Pas le paradis de mes voisins de palier. Non.

Le paradis des vivants : une gorgée de porto – un cru 1983 –, que me rapporte José-Luis Fernandez chaque 1er septembre. Un reste de vacances versé dans un petit verre en cristal, une sorte d’été indien que je débouche vers 19 heures, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente.

Deux dés à coudre de liquide rubis. Le sang des vignes de Porto. Je ferme les yeux. Et je savoure. Une seule gorgée suffit à égayer ma soirée. Deux dés à coudre parce que j’aime l’ivresse mais pas l’alcool.

José-Luis Fernandez fleurit la tombe de Maria Pinto épouse Fernandez (1956-2007) une fois par semaine sauf au mois de juillet, là c’est moi qui prends le relais. D’où le porto pour me remercier.

Mon présent est un présent du ciel. C’est ce que je me dis chaque matin, quand j’ouvre les yeux.

J’ai été très malheureuse, anéantie, même. Inexistante. Vidée. J’ai été comme mes voisins de palier mais en pire. Mes fonctions vitales fonctionnaient mais sans moi à l’intérieur. Sans le poids de mon âme, qui pèse, paraît-il, que l’on soit gros ou maigre, grand ou petit, jeune ou vieux, vingt et un grammes.

Mais comme je n’ai jamais eu le goût du malheur, j’ai décidé que ça ne durerait pas. Le malheur, il faut bien que ça s’arrête un jour.

 

J’ai très mal commencé. Je suis née sous X dans les Ardennes, au nord du département, dans ce coin qui fricote avec la Belgique, là où le climat est considéré comme « continental dégradé » (fortes précipitations en automne et fréquentes gelées en hiver), là où j’imagine que le canal de Jacques Brel s’est pendu.

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Changer l'eau des fleurs

Valérie Perrin

Paru le 08/12/2021

672 pages

Audiolib

28,90 €