La conviction s'est imposée que l'étude de la pensée de Leibniz devait être conduite suivant une méthode génétique, attentive à ses transformations conceptuelles et à ses variations doctrinales. L'avancement de l'édition intégrale des écrits et lettres de Leibniz en cours de publication a fortifié cette démarche en rendant observable l'incessant mouvement de son écriture. D'où l'abandon d'une représentation abstraite d'un "système de Leibniz" maintenu de façon invariable dans une structure fermée sur elle-même, idéalement soustraite à la durée où se déploie une pensée inventive. Le vérifient les diverses variations ici examinées : l'harmonie préétablie, la formation de la dynamique, la pensée de l'organisme et du vivant, et ses conséquences pour la conception des substances corporelles. La réception de la pensée leibnizienne a joué un rôle central dans la critique kantienne de la métaphysique. Si on peut soutenir que la Critique de la raison pure est le sommet de la philosophie occidentale le débat entre Leibniz et Kant se situe sur des lignes de crête, où les contresens eux-mêmes mesurent à la fois la singularité irréductible des opposants et leur connivence profonde dans une histoire partagée. C'est ainsi que Kant a pu finalement reconnaître que "la Critique de la raison pure pourrait bien être la véritable apologie de Leibniz".
Par
Michel Fichant Chez
Presses Universitaires de France - PUF
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