#Roman francophone

Habemus Piratam

Pierre Raufast

L'abbé Francis n'en revient pas : un cyber-pénitent s'installe un beau matin dans son confessionnal. Le hacker, sorti de nulle part, a décidé d'avouer ses forfaits. La vallée de Chantebrie en est toute chamboulée... L'abbé Francis ne confesse en général que de petites querelles de paroissiennes. Un jour, il reçoit les confidences d'un mystérieux pirate informatique qui s'accuse d'avoir enfreint les Dix Commandements. Avec délice, le prêtre plonge dans des histoires incroyables, comme celles du faux vol de la Joconde, de la romancière à succès piégée par un drone ou de Toulouse privé d'électricité au nom des étoiles. Il met alors le doigt dans un engrenage numérique qui va l'entraîner beaucoup plus loin que prévu... Et, pendant ce temps, c'est également une jolie pagaille dans le paisible petit bourg où tous les secrets semblent impatients de reparaître, fussent-ils enfouis dans les profondeurs du temps ou le coin du pré. Dans ce quatrième roman, Pierre Raufast allie son talent de conteur à ses connaissances professionnelles en sécurité informatique. Il en résulte un délicieux cocktail d'anecdotes réalistes, d'humour, de suspens et d'espiègleries.

Par Pierre Raufast
Chez Alma Editeur

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Pour Aldo Reset et le 6502.

 

 

Toutes les informations de ce roman sont classifiées « TLP White ».

 

  

 

La confession

 

— Bénissez-moi, mon père, parce que j’ai péché.

L’abbé Francis reconnut la voix tremblante de Claudine. Il soupira discrètement.

— Je vous écoute, Madame Hurette.

— Mercredi dernier, lors de notre partie de Scrabble avec mes amies, j’ai triché.

Elle marqua une pause, comme pour mieux savourer la gravité du propos.

— Quand j’ai plongé la main dans le sac, j’ai tâté la face imprimée de plusieurs lettres avant de choisir celle, bien lisse, du joker.

— Et qu’en avez-vous fait ?

— J’ai composé le mot « poulet ». Il m’a rapporté vingt-deux points. J’étais contente, dit la vieille dame sans pouvoir contenir sa joie.

Le prêtre se passa la main sur le visage. Il n’était ici que depuis deux ans, mais connaissait déjà tous les vices de ses petits vieux – les seuls à venir se confesser chaque vendredi dès sept heures du matin.

Cela ne volait pas très haut : des cerises chapardées dans un verger, un homme se soulageant régulièrement dans le puits d’un voisin pour perpétuer la vengeance de son père et une rixe datant de 1923, quelques lettres anonymes dénonçant un pain trop cuit ou des cadavres de bouteilles mal triés dans le local poubelle.

Des crimes ordinaires dans ce village de trois mille habitants, perché en haut de la vallée de Chantebrie.

Les curés font-ils vraiment six ans de séminaire pour entendre cela ? Si au moins, de temps en temps, un trentenaire débordé venait avouer un adultère, un vol avec effraction ou carrément un meurtre passionnel. Mais non. Les quelques fidèles à venir le vendredi n’étaient que les petites vieilles et deux quadragénaires catholiques qui, comme la mère Lacabane, confiaient au prêtre leur refus du devoir conjugal dans l’espoir de recevoir une sorte de laissez-passer divin qu’elles pourraient exhiber à leur mari frustré.

— Tricher n’est jamais la bonne solution, ma fille. Dans Matthieu, Jésus dit...

— D’un autre côté, j’aurais quand même gagné, l’interrompit Claudine. Car il ne restait plus que trois lettres à Georgette et j’avais cent onze points contre quatre-vingt-douze. Même si j’avais fait « poule » sans le mot compte double et le joker, ça m’aurait fait sept points et Georgette terminait par « lac » à trois points seulement. Vous voyez.

Elle vient pour discuter. Elle se fout royalement du pardon, pensa Francis. Il passa en revue la grille tarifaire des péchés. À combien évaluait-on le vol d’un joker au Scrabble ?

— La moindre des choses serait de vous excuser auprès de Georgette.

— Mais puisque je vous dis que j’aurais gagné de toute façon !

— C’est l’intention qui compte, Madame Hurette. Dieu dans Sa grande miséricorde nous a...

— C’est délicat. Sans vouloir faire ma mauvaise fille, je suis certaine que Georgette triche aussi. Dimanche dernier, en rangeant la maison, j’ai trouvé le W caché sous le napperon. Elle a dû s’en débarrasser pendant que je préparais le thé. Il faut reconnaître qu’à part « wagon » il n’y a pas beaucoup de mots possibles avec un W.

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Habemus Piratam

Pierre Raufast

Paru le 04/10/2018

232 pages

Alma Editeur

18,50 €