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Pourquoi j'ai choisi d'avoir un chien (et pas un enfant)

Sylvain Tesson, Hélène Gateau

Parisienne et quadragénaire, véritable maman de Colonel, un border terrier, Hélène Gateau n'a jamais voulu être mère et s'en trouve très heureuse. Pour autant, un chien peut-il se substituer à un enfant ? Elle qui se croyait singulière dans son refus de la maternité a pourtant pris conscience qu'elle était loin d'être la seule... Elle tente ici d'éclairer toutes les facettes de son choix, qui questionne son entourage. De l'arrivée de Colonel à ses relations amoureuses en passant par son besoin de contrôler son quotidien et ses vacances " adaptées " à son compagnon à quatre pattes, elle livre un témoignage piquant et drôle. Mais son propos est aussi nourri d'une introspection profonde, ainsi que d'une réflexion sur un mode de vie à la croisée de deux tendances de société, être sans enfants ou parent d'un animal de compagnie. Un livre éclairant. Bérangère Lepetit, Le Parisien. Chroniqueuse et vétérinaire, Hélène Gateau interroge sa relation fusionnelle avec son border terrier. Caroline Hamelle, Madame Figaro.

Par Sylvain Tesson, Hélène Gateau
Chez LGF/Le Livre de Poche

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Chiens

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Augustin

27/03/2025 à 17:19

Préface de Sylvain Tesson
TENIR SON FILS EN LAISSE
L'essai d'Hélène Gateau procure la joie de l'os. On l'attendait, on le ronge, on le range, on y revient, on y pensera. Personne n'avait encore osé avouer qu'on peut considérer son chien comme un enfant. Hélène Gateau, dans un récit qui se double d'un manifeste, un plaidoyer en forme de confidence, franchit le pas. Il est allègre et vif.
Tout juste entend-on parfois le propriétaire d'un animal s'exclamer : « Je l'aime comme un fils ! » Aucun parent ne s'aventure à dire : « Mes enfants sont des chiens pour moi. »
Parmi les écrivains, Houellebecq, Céline ou Léautaud ont révélé leur affection pour les bêtes. On se souvient du chien du premier, Clément, du perroquet du deuxième, qui gueulait dans la nuit, de la guenon du troisième. Les « hommes à bêtes » sont plus rares que les « hommes à femmes» (et moins goujats, avec cela[Commentaire : Une vérité qui n’ajoute rien à la bêtise de l’idéologie de fond du livre]). Il a fallu qu'ils souffrent beaucoup de leurs semblables. Déçus, mélancoliques, ils ont trouvé consolation sur un dernier rivage peuplé de chats et de chiens. Le docteur Gateau, c'est différent. Son amour ne coule pas d'une blessure. Ce n'est pas la misanthropie qui l'a poussée à faire de son chien un fils. Son amour des uns (les animaux) n'est pas un substitut à sa déception des autres (les hommes). Il en résulte une confession vitale, étrange, inédite, stimulante[Commentaire : L’amorce d’une réflexion ?].
Parfois, au gré de mes lectures, j'ai la chance de tomber sur une page qui rapproche l'homme de l'animal[Commentaire : Il y a de très belles pages de la littérature qui mettent en présence l’homme et l’animal sans support idéologie comme c’est le cas ici !]. Mieux : il arrive que la bête se substitue au héros, se hisse au panthéon, passe à la postérité. Un archétype naît, affublé d'écailles, hérissé de poils, couvert de plumes. Ainsi Flaubert invente-t-il un perroquet que son personnage prend pour le Saint-Esprit (Trois Contes). Hemingway fait d'un espadon un graal spirituel (Le Vieil Homme et la mer). Jack London campe un chien-loup victime de la décadence humaine (Croc-Blanc). Herman Melville transforme une baleine blanche en gouffre psychanalytique (Moby Dick). Même le squale est requis par Dino Buzzati pour symboliser les hantises existentielles (Le K).
Je suis content devant ces pages. J'ai l'impression que se comble l'horrible gouffre entre l'homme de la bête[Commentaire : Pourquoi parler d’un gouffre ? Si gouffre il y a il est creusé … même avec les dents pour aller encore plus au fond, par ceux qui ne savent pas ce qu’est un homme ni un animal.]. En nous proclamant maîtres et possesseurs de la nature[Commentaire : C’est la forme mentis de S. Tesson. cf. La panthère des neiges.], nous avons arraisonné le monde. Les animaux sont devenus nos sujets corvéables. Heureuses les lignes qui rappellent les âges bénis où bêtes, hommes et dieux faisaient table commune[Commentaire : … Ça remonte à quand ?].
Hélène Gateau va plus loin que la simple narration d'une liaison entre un homme et une bête. L'auteur invite le chien dans la totalité de sa vie. Elle lui donne la place de l'enfant qu'elle a décidé de ne pas avoir. [Commentaire : C’est bien là le problème !]Un jour, elle acquiert un border terrier, dru comme un sanglier. Il remplira le rôle de descendant, d'élève, d'enfant prodige, de petit page et de rejeton. Sa mère (dogmom, en américain, cette langue qui se prononce avec des croquettes dans la bouche) se comporte exactement comme une jeune post¬ parturiente tout récemment affligée d'un môme[Commentaire : « Affligée » ! Tout est dit]. Même pâmoison, même perspective. L'enfant, c'est-à-dire le petit chien, s'appelle Colonel. Hélène sera-t-elle la maîtresse ou la subordonnée de ce colonel-là ? Il faudrait réécrire l'essai fondamental de Mme Élisabeth Badinter en l'affublant d'un nouveau titre : On ne naît pas dogmom, on le devient.[Commentaire : … et aussi de Beauvoir ! ]
La thèse du docteur Gateau est intégrale : la nature de la parenté est la même chez la mère d'un enfant et la maîtresse d'un chiot[Commentaire : A quand la PMA d’un animal vers l’espèce humaine ?]. Bouleversements, enjeux, irréversibilité : que le nouvel arrivant soit un bébé rose ou un chien à poil court, les implications sont similaires. Le vagissement ou l'aboiement composeront la nouvelle symphonie[Commentaire : … La symphonie d’un nouveau monde !] d'une vie métamorphosée.
Les bouleversements seront identiques : don de soi, amour d'un autre[Commentaire : Serait-elle capable de ce même « don de soi » à l’égard d’un homme, d’une femme, d’un enfant, d’une personne âgée, malade … ], acceptation des sacrifices, irradiation des heures, bonheur des jours, raccourcissement des nuits, changement du destin, découvertes insoupçonnées. Soyons honnête, il y a quelques différences[Commentaire : … Soyons honnêtes jusqu’au bout, toutes ces différentes ne sont que physiques ! Et l’esprit ?]. Le chien est plus velu que le nourrisson. Celui-ci plus bruyant que celui-là. Celui-là bave davantage que celui-ci. Celui-ci se lassera un jour de la balle que vous enverrez toute sa vie à celui-là et celui-ci réclamera un jour un téléphone plus nocif que les aboiements de celui-là.
Mais le principe qui attache l'un et l'autre à sa mère est le même. Il porte un nom simple et total : l'amour[Commentaire : Un peu du style « Je t’aime, moi non plus ! »].
Le livre que vous tenez dans vos mains est un récit d'amour pur[Commentaire : Qu’est-ce-que l’amour … si on veut bien réfléchir et ne pas s’en tenir à une peluche vivante !].
Le docteur Gateau défend son point de vue en le vivant physiquement chaque jour. Au point que le lecteur se range aux vues de l'auteur et concède que la tentative de parentalité canine est peut-être plus profitable que l'expérience de la parentalité humaine[Commentaire : … Quand on refuse et exclut la parentalité humaine ?]. Certainement moins éreintante. Le chien ne hurle pas, le chien ne devient pas un ado (race mystérieuse), le chien ne pleure pas. Le chien ne vous fera pas dans vingt ans le procès de vos méthodes pédagogiques. Il ne lira pas Bourdieu dans son panier. Il n'écrira pas un livre intitulé Mes parents sont responsables de mes échecs. Et c'est ainsi qu'Hélène dresse la « simulation d'un processus de parentalité mené avec succès[Commentaire : Et tout ça parce qu’aujourd’hui l’éducation n’est plus une vraie éducation parce qu'elle oublie l’esprit … l’âme !] ».
Alternent les réflexions instructives du docteur et les considérations tendres de la mère ébaubie. C'est la marque de fabrique du docteur en science vétérinaire[Commentaire : … C’est ça : madame est vétérinaire … Rien a voir avec la médecine ! … (je suis médecin)] (connu des spectateurs d'émissions à succès) : conjuguer la sensibilité, la rigueur, le savoir et la délicatesse. C'est-à-dire documenter les intuitions, mâtiner de scrupules les affirmations, attendrir les certitudes.
Le livre soulève une question métaphysique[Commentaire Ah, bon, quand même un peu d'élévation !] : à ne pas vouloir de descendance, renie-t-on la nature de la condition humaine ? Refuser de se reproduire, n'est-ce pas se retirer du jeu miraculeux de l'aventure humaine ? À substituer le chien à l'enfant, ne conteste-t-on pas l'irremplaçabilité de l'homme ? Ne touche-t-on pas au dernier degré du nihilisme égalitariste en faisant un fils de son chien ? Le pape François serait horrifié de lire ces pages consacrées à l'amour total d'une femme pour un chien. Les don Juan se sentiront rudement concurrencés. Les humanistes se récrieront. Les hommes de lettres penseront à Caligula faisant ironiquement de son cheval un consul. Les jeunes filles en fleurs trouveront que rien ne vaut l'amour humain! Mais Hélène tiendra bon dans le concert des récriminations. Elle n'oppose pas l'amour des chiens à l'amour des hommes ; elle veut vivre l'un et l'autre, l'un comme l'autre[Commentaire : De la métaphysique qui ne va pas jusqu'au bout. Et la conclusion : « Quan on ne vit pas comme on pense, on finit pas par penser comme in vit »… à condition que le premier mode de pensée soit intelligent et éthique !].
L'homme, toujours, prêche pour sa paroisse. Et s'il fait tant de cas de son unicité dans l'efflorescence du vivant, c'est qu'il veut conserver sa place au sommet de la pyramide ! En somme, l'humanisme est un corporatisme, un syndicalisme de défense des intérêts biologiques. L'homme ayant pris le contrôle de la superficie du globe souffre mal la cohabitation[Commentaire : Ce n’est pas qu’il souffre de la cohabitation, c’est qu’il l’a travestie, pervertie !].
Le docteur Gateau affronte ces questions. Elle sait qu'elle touche à un tabou. Elle s'expose aux anathèmes de ses contemporains en général et des hommes de robe en particulier. Dans la patrologie, à part saint François d'Assise, les cœurs purs (de tout poil, toute robe et toute barbe) n'ont jamais tenu les bêtes pour des frères. En outre, le chien peut tacher la soutane avec ses papattes[Commentaire : Une réflexion pleine de vieux poncifs éculés et sans fondement. Benoît XVI avais un chat … et alors ! Quant à saint François d’Assise, il ne faut pas se méprendre sur la réflexion théologique de François d’Assise qui ne divinise pas les animaux. Sylvain Tesson ne connaît pas grand-chose de saint François d’Assise … il ne connaît apparemment que François d’Assise. Je lui conseillerais de lire les biographies de référence sur saint François d’Assise. Il aimerait celle de Julien Green, Frère François. ].
Hélène campe sur ses positions avec une radicalité exemplaire. Son sentiment est devenu son système. Elle le bâtit, l'illustre, l'expose et l'assume jusqu'à en décrire les incongruités, les difficultés et même les limites. Cette adéquation parfaite entre ses intuitions de jeunesse, ses choix intellectuels, l'organisation de sa vie et le propos de ce livre fonde sa légitimité. La légitimité, c'est quand on ne triche pas.
Aux champions de la natalité sacrée[Commentaire : l faut arrêter de gloser sur le mythe de la « natalité sacrée ». Ce n’est pas la natalité qui est sacrée mais le fruit l’acte qui en est à l’origine. Pour rester trivial (… dans ligne du livre : « les chiens ne font pas des chats » pas plus que les hommes ne procréent pas comme les animaux. Ils co-créent !], on pourrait retourner leurs propres critiques. L'amour est le don de soi à un autre que soi, disent-ils.[Commentaire : Encore un poncif que l’on met sur le dos de ceux qui …« disent-il… » !] Si l'on va plus loin, on pourrait affirmer que l'animal constitue le comble de l'altérité. Par conséquent, vouer un amour maternel à un chien qui ne vient ni de son ventre, ni de sa lignée, ni de son propre phylum est la preuve de l'inconditionnalité de l'amour puisque l'objet du sentiment incarne l'altérité la plus éloignée dans l'ordre biologique ! En d'autres termes, pourrait dire Hélène, mon amour est incontestable puisque j'aime ce qui ne me ressemble pas, ce que je ne peux pas reproduire (pour employer le vocabulaire des photocopieuses).
Quand j'étais enfant[Commentaire : L’enfance est le réservoir des souvenirs qui nous construisent tout au long de la vie … c’est vrai mais heureusement que l’homme a une intelligence qui lui permet non pas de survivre avec des souvenirs mais de vivre tout simplement.], ma tête était si grosse qu'elle me déséquilibrait, plantée sur un corps frêle: une coloquinte pleine d'eau sur un bilboquet. Je tombais, entraîné par son poids. « Boum! » fut le bruit de mon enfance. On m'affubla d'un harnais pour retenir la chute. Pendant deux ans, ma mère me tint en laisse à la promenade. Quand je découvris le beau texte du docteur Gateau, ce souvenir de petite enfance me revint en mémoire. Hélène aussi promène son fils en laisse. Dans un monde imaginaire et dans un autre siècle, Hélène se serait bien entendue avec feu ma mère, le docteur Marie-Claude Tesson. Elles se seraient rencontrées au square. Elles auraient parlé médecine. Et moi, j’aurais eu un compagnon. Salut, Colonel !
Sylvain Tesson[Commentaire : Et pourtant, pour finir : j’aime bien Sylvain Tesson : il a une belle écriture, une richesse insondable des mots, une syntaxe qui tout en restant simple est une grande écriture… Mais je le lis avec un filtre qui ne laisse pas passer une idéologie trop pressante, trop oppressante.



Pourquoi j'ai choisi d'avoir un chien (et pas un enfant)

Hélène Gateau

Paru le 05/02/2025

192 pages

LGF/Le Livre de Poche

7,90 €