Il y avait dans les terres du pays d'Auge, du côté de Saint-Pierre- d'Azif, à trois lieues de la mer, un bon paysan et sa femme qui, à force de travail, étaient devenus assez riches. Dans ce temps-là, c'est-à-dire il y a environ cent ans, le pays n'était pas très bien cultivé. C'étaient des herbages et puis des herbages, avec des pommiers et encore des pommiers ; un grand pays tout plat, à perte de vue, et de temps en temps un petit bois de noisetiers avec un jardinet et une maison de bois et de torchis, la pierre étant rare. On élevait par là de bonnes vaches, on faisait d'excellent beurre et des fromages renommés ; mais, comme il n'y avait alors ni grandes routes, ni chemins de fer, ni toutes ces maisons de campagne qu'on voit aujourd'hui sur la côte, le paysan n'avait pas beaucoup d'idées et n'inventait rien pour augmenter ou varier les produits de la terre. Celui dont je vous parle s'appelait Doucy et on appelait sa femme la mère Doucette. Ils avaient plusieurs enfants qui tous travaillaient comme eux, n'inventaient pas davantage et ne se plaignaient de rien, tous très bons, très doux, très indifférents, ne faisant rien vite, mais faisant toujours quelque chose et pouvant arriver à la longue à mettre de côté un peu d'argent pour acheter de la terre.
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