« Le métier de croque-mort n’a aucun avenir.
Les clients ne sont pas fidèles. »
Léon-Paul Fargue
Le saviez-vous ?
CROQUE-MORTS
Selon la culture populaire, comme vous le savez, le nom croque-mort viendrait du fait que les employés des pompes funèbres, afin de vérifier que leur client était bien mort, leur mordaient violemment l’orteil. L’absence de réaction faisant office de preuve du trépas.
En vérité, croque-mort vient de tout autre chose. Au xiiie siècle, l’Europe fut ravagée par une épidémie de peste. Les cadavres de ceux qui avaient péri étaient jetés dans la rue. Les municipalités réagirent alors, et recrutèrent des mendiants (ou des prisonniers, l’histoire reste floue), et, en échange de quelques pièces (ou de leur grâce), leur confièrent la mission de ramasser ces corps afin de les conduire aux fosses communes.
Pour ce faire, afin de se protéger de la contagion, ceux-ci utilisaient de longs bâtons, munis de crochets de bouchers. On dit qu’ils croquaient les morts. Le temps et les évolutions syntaxiques firent leur œuvre.
Avant-propos
On me demande souvent à quoi s’attendre lorsqu’on rentre dans le métier. Si cela n’est pas une anecdote à proprement parler, tous les éléments mis en scène sont du domaine du vécu, exception faite des homicides, juste fantasmés…
Ça y est ! Fraîchement muni de votre certification Assistant funéraire, vous avez décroché le Graal, le sésame, le rêve de tout jeune diplômé sur le marché du travail : un CDI dans une entreprise de pompes funèbres. On est vendredi soir. Épuisé par votre première semaine, vous vous rendez à une soirée chez des amis…
Premier conseil : si vous voulez fuir les problèmes, taisez-vous ! Parce que, dès lors que vous aurez dit votre profession, vous allez vous faire coller par tout un tas de parasites qui n’auront qu’une idée en tête : passer une bonne soirée, au détriment de la vôtre.
Mais vous avez craqué. Avec deux verres de whisky hors d’âge à l’apéritif, vos défenses sont tombées, et la profession que vous vous étiez inventée, astrophysicien, n’a pas tenu face à votre voisin, agrégé de maths, qui tenait absolument à discuter avec vous des applications de la théorie quantique sur les variations orbitales saisonnières des satellites de joviens. Vous l’avez confessé, vous avez menti, vous êtes croque-mort. Première erreur : vos interlocuteurs pensent alors que, soit vous n’assumez pas votre métier, soit vous faites des choses trop horribles pour en parler.
Préparez-vous moralement : il y aura toujours quelqu’un – et généralement, c’est une femme – qui va littéralement hurler « Un croque-mort ? Pour de vrai ? Comme dans Six Feet Under ? Il est trop beau, Peter Krause ! » Voilà votre emploi du temps pour l’heure qui suit fixé : écouter patiemment le résumé de tous ses épisodes préférés, une longue litanie de lieux communs totalement aberrants sur la profession, et devoir expliquer, de temps en temps que non, on ne fait pas ça, ou on ne le fait pas comme ça. Si vous n’avez pas vu Six Feet Under, ou pire, si vous n’aimez pas Six Feet Under, vous aurez l’impression de passer devant le tribunal de l’Inquisition. Un croque-mort qui n’aime pas Six Feet Under verra ses compétences mises en doute par le fan de la série, qui ne songera pas que, finalement, ce n’est qu’un vulgaire feuilleton plus ou moins bien documenté.
Paru le 12/09/2024
320 pages
Editions de l'Opportun
17,90 €
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