L'époque est si étrange qu'un truisme peut passer pour une provocation. Du fait que les droits des femmes sont de mieux en mieux assurés à l'extérieur, dans le monde professionnel et la vie politique, la séparation du public et du privé se voit mise en accusation, comme si les murs du foyer servaient d'ultime rempart à la domination masculine. Le travail domestique et les soins aux enfants sont dénoncés comme une injustice. Pire encore, le privé apparaît comme un réservoir de sévices : coups, viols, incestes et féminicides remplissent l'actualité. Claude Habib soutient pourtant le besoin vital de cette séparation, et justifie le surinvestissement féminin dans la création et l'entretien d'un intérieur. Car l'intérieur est la condition de l'intimité. Les murs ont pour rôle de protéger la vulnérabilité humaine : la faiblesse de chacun, le flottement des sentiments, l'inexpérience de l'enfance. Même si l'effort d'aménager l'intérieur et d'assurer le quotidien peut tourner à la corvée, il ne relève pas de l'exploitation. La formation du foyer est d'abord l'exercice d'une puissance : celle de façonner un monde à l'usage de soi et des siens.
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