#Roman francophone

7 ans après...

Guillaume Musso

Après un divorce orageux, Nikki et Sebastian ont refait leur vie, très loin l’un de l’autre. Jusqu’au jour où leur fils Jeremy disparaît mystérieusement. Fugue ? Kidnapping ? Pour sauver ce qu’elle a de plus cher, Nikki n’a d’autre choix que de se tourner vers son ex-mari qu’elle n’a pas revu depuis sept ans. Contraints d’unir leurs forces, ils s’engagent alors dans une course-poursuite, retrouvant une intimité qu’ils croyaient perdue à jamais…

Par Guillaume Musso
Chez XO Editions

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Genre

Littérature française

 


Pelotonnée sous sa couette, Camille observait du fond de son lit le merle posé sur le rebord de la fenêtre. Le vent d'automne bruissait à travers la vitre, le soleil jouait entre les feuillages, projetant ses reflets mordorés sur les parois de la verrière. S'il avait plu toute la nuit, le ciel brillait à présent d'un bleu limpide qui annonçait une belle journée d'octobre.
Couché au pied du lit, un golden retriever à poil crème leva la tête en pointant le bout de sa truffe.
— Viens, mon Buck, viens, mon beau ! l'invita Camille en tapotant son oreiller.
Le chien ne se le fit pas répéter. D'un bond, il rejoignit sa maîtresse pour recevoir son lot de câlineries matinales. L'adolescente le cajola, caressant la tête ronde et les oreilles tombantes de l'animal avant de se faire violence :
Secoue-toi, ma vieille !
Elle s'extirpa à regret des profondeurs tièdes de son lit. En deux temps, trois mouvements, elle enfila un survêtement, chaussa ses baskets, noua en un chignon lâche ses cheveux blonds.
— Allez, Buck, bouge-toi, mon gros, on va courir ! lança-t-elle en s'engageant à toute allure dans l'escalier qui menait au salon.

Organisés autour d'un vaste atrium, les trois étages de la maison baignaient dans la lumière naturelle. L'élégante townhouse en pierre brune appartenait à la famille Larabee depuis trois générations.
C'était un triplex à l'intérieur moderne et dépouillé, aux pièces largement ouvertes, aux murs ornés de peintures des années 1920 signées Marc Chagall, Tamara de Lempicka et Georges Braque. Malgré les toiles, le côté minimaliste de la décoration rappelait davantage les résidences de Soho et de TriBeCa que celles du très conservateur Upper East Side.
— Papa ? Tu es là ? demanda Camille en arrivant dans la cuisine.
Elle se servit un verre d'eau fraîche en regardant autour d'elle. Son père avait déjà pris son petit déjeuner. Sur le comptoir laqué, une tasse à moitié vide et un reste de bagel voisinaient avec le Wall Street Journal, que Sebastian Larabee feuilletait chaque matin en buvant son café, et un exemplaire du Strad¹.
En tendant l'oreille, Camille perçut le bruit de la douche à l'étage. Apparemment, son père était encore dans la salle de bains.
— Hé !
Elle donna une petite tape à Buck et claqua la porte du réfrigérateur pour empêcher son chien d'attraper les restes d'un poulet rôti.
— Tu mangeras plus tard, espèce de goinfre !
Écouteurs sur les oreilles, elle sortit de la maison et remonta la rue à petites foulées.
La demeure des Larabee était située entre Madison et Park Avenue, à hauteur de la 74e, dans une jolie traverse bordée d'arbres. Malgré l'heure matinale, le quartier était déjà animé. Les taxis et les limousines défilaient devant les hôtels particuliers et les immeubles chics. Sanglés dans leurs uniformes, les concierges redoublaient de zèle dans un ballet étourdissant, hélant les yellow cabs, ouvrant les portières, chargeant les bagages dans les coffres.
Camille rejoignit la 5e Avenue en trottinant et remonta Millionaire's Mile, l'allée des milliardaires qui, le long de Central Park, voyait se succéder les plus prestigieux musées de la ville : le Met, le Guggenheim, la Neue Galerie...
— Allez, mon beau, l'effort avant le réconfort ! lança-t-elle à Buck en accélérant sa course pour s'engager sur la piste de jogging.

Dès qu'il fut certain que sa fille avait quitté la maison, Sebastian Larabee sortit de la salle de bains. Il pénétra dans la chambre de Camille pour son inspection hebdomadaire. Il l'avait mise en place lorsque sa fille était entrée dans la préadolescence
Œil sombre et sourcils froncés, il avait sa tête des mauvais jours car, depuis plusieurs semaines, il sentait Camille plus secrète, moins concernée par ses études et la pratique du violon.
Sebastian balaya la pièce du regard : une vaste chambre d'adolescente aux tonalités pastel dont se dégageait une atmosphère apaisante et poétique. Aux fenêtres, des rideaux vaporeux scintillaient sous les rayons du soleil. Sur le grand lit, des oreillers colorés et une couette roulée en boule. Machinalement, Sebastian repoussa la couette et s'assit sur le matelas.
Il s'empara du Smartphone qui traînait sur la table de nuit. Sans états d'âme, il entra les quatre chiffres du code secret qu'il avait saisi à la dérobée, un jour où sa fille téléphonait devant lui sans se méfier. L'appareil se débloqua. Sebastian sentit une poussée d'adrénaline l'envahir.
Chaque fois qu'il s'aventurait dans la vie intime de Camille, il appréhendait ce qu'il pourrait découvrir.
Rien à ce jour et pourtant il continuait...
Il scruta les derniers appels passés et reçus. Il connaissait tous les numéros : ceux des copines du lycée St. Jean Baptiste, de sa professeure de violon, de sa partenaire de tennis...
Pas de garçon. Pas d'intrus. Pas de menace. Soulagement !
Il fit défiler les photos récemment enregistrées. Rien de bien méchant. Des clichés pris lors de la fête d'anniversaire de la petite McKenzie, la fille du maire, avec qui Camille allait à l'école. Pour ne rien laisser au hasard, il zooma sur les bouteilles pour s'assurer qu'elles ne contenaient pas d'alcool. C'était du Coca et des jus de fruits.
Il poursuivit ses investigations par l'étude des mails, des SMS, ainsi que par l'historique de la navigation Web et de la messagerie instantanée. Là encore, tous les contacts étaient bien identifiés et le contenu des conversations ne portait pas à conséquence.
Son angoisse descendit d'un cran.
Il reposa le téléphone, puis examina les objets et les papiers posés sur le bureau. Un ordinateur portable était bien en vue, mais Sebastian s'en désintéressa.
Six mois auparavant, il avait installé un keylogger sur l'ordinateur de sa fille. Un logiciel espion qui lui permettait de recevoir un compte rendu exhaustif des sites fréquentés par Camille, ainsi qu'une retranscription de ses courriers électroniques et de ses conversations en « tchat ». Bien entendu, personne n'était au courant de cette démarche. Les bons esprits le condamneraient à coup sûr, le faisant passer pour un père abusif. Mais Sebastian n'en avait cure. Son rôle de père était d'anticiper et d'éloigner les dangers potentiels que pouvait courir sa fille. Et dans ce cas-là, la fin justifiait les moyens.
Craignant un retour précipité de Camille, il jeta un coup d'œil par la fenêtre avant de reprendre ses recherches. Il contourna la tête de lit qui servait de séparation entre la chambre et le dressing. Là, il ouvrit méthodiquement les placards, souleva chaque pile de vêtements, fit la moue devant le mannequin de bois sur lequel reposait une robe bustier qu'il trouva beaucoup trop glamour pour une gamine de son âge.
Il fit glisser la porte du placard à chaussures et découvrit une nouvelle paire : des Stuart Weitzman en cuir verni à talons hauts. Il regarda avec inquiétude les escarpins, symbole douloureux pour lui de la volonté de sa fille de s'extirper trop tôt de sa chrysalide.
En colère, il les reposa sur la planchette, avant de remarquer un élégant sac de shopping rose et noir, orné du logo d'une célèbre enseigne de lingerie. Il l'ouvrit avec appréhension et découvrit un ensemble en satin composé d'un soutien-gorge à balconnet et d'une culotte en dentelle.
Cette fois, c'en est trop ! fulmina-t-il en balançant le sac au fond du placard. Dans un mouvement d'humeur, il claqua la porte de la penderie, prêt à rejoindre Camille pour lui dire son fait. Puis, sans trop savoir pourquoi, il poussa la porte de la salle de bains. En passant au crible le contenu de la trousse de toilette, il en extirpa une plaquette de comprimés. Une série de numéros indiquait l'ordre de prise de chaque cachet. Une des deux rangées de capsules était déjà entamée. Sebastian sentit ses mains trembler. Sa colère se changea en panique au fur et à mesure que l'évidence s'imposait à lui : sa fille de quinze ans prenait la pilule.

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05/04/2012 400 pages 21,90 €
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