Il m'arrive encore de repasser devant la ferme des Glénans. Poussé par une inexplicable nostalgie, je longe la route du calvaire et file jusqu'au bout du chemin, là où j'ai vécu avec Orlane il y a quarante ans. A cette époque, c'était une vieille bâtisse que nous avait louée un couple de paysans partis à la retraite. Nous l'avions aménagée avec nos maigres moyens, cherchant avant tout à profiter de ce lieu solitaire et calme. Aujourd'hui, il ne reste rien de ce décor antique. La maison est en ruines et les frondaisons généreuses qui apportaient ombre et sérénité à la campagne endormie ont été remplacées par des poulaillers en béton d'une hideur tenace. Lorsque je m'arrête, il me semble pourtant reconnaître quelques vestiges du passé. Quand je reviens vers ce pôle aride, je ne peux m'empêcher de revoir les visages de ceux qui ont hanté ces lieux, d'entendre leur voix, de suivre leurs gestes et de mesurer le chemin que nous avons parcouru ensemble avant que les trahisons et la mort ne viennent poser sur cette époque un voile étrange.
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