"Cent quatorze noms et prénoms, âges et lieux de naissance. Un seul et même jour de décès. Cent quatorze jeunes hommes tués en un même lieu, et jetés aux oubliettes de l'Histoire. Certes, ils ne furent ni les premiers, ni les derniers, mais c'est l'honneur d'Andrea Camilleri, leur compatriote, d'avoir ramené au jour de la chronique locale, donc de l'Histoire et de la conscience, le sort de ces bagnards siciliens, ces "serfs de peine" comme les qualifiait alors l'administration des Bourbon, qui payèrent ainsi, indirectement, leur tribut aux soulèvements libérateurs de 1848. Au reste, à travers les nouveaux notables, qui ne sont autres que les anciens (nous connaissons ces tours de passe-passe), les représentants de l'Unité italienne se gardèrent bien de sortir les cent quatorze cadavres de leur tombeau d'invisibilité et de silence : ne s'agissait-il pas d'exclus, d'individus mis au ban de la société ? Andrea Camilleri retrace minutieusement les lieux, les raisons, les rôles et les acteurs de cette tragédie insulaire avec, parfois, une bonhomie souriante qui est comme un voile de pudeur jeté sur l'enfer obscène de ceux que broie l'injustice et la stupidité des événements ou des hommes, sur la violence, aussi, de son indignation, car c'est son bourg natal, Porto Empedocle, qui fut le théâtre de ce massacre oublié, renié, et qu'avec respect il reporte au jour". Louis Bonalumi.
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