#Roman jeunesse

Contes

Hans Christian Andersen

Les Contes d'Andersen ont été traduits dans presque toutes les langues du monde. Entre 1835 et 1872, Andersen a écrit exactement cent cinquante-six contes. Rappelons, pour mémoire, que les Contes du Temps passé ou de ma Mère l'Oye, de Charles Perrault, datent de 1697 tandis que Grimm (1785-1863) fut un contemporain d'Andersen. "Le Vilain Petit Canard" et "La Petite Fille aux Allumettes" ne sont que deux des nombreux Contes écrits par HansChristian Andersen, auteur de l'un des plus grands succès de la littérature mondiale. Le terreau de l'enfance Très tôt, Hans Christian Andersen avait voulu faire une carrière littéraire. Pourtant, à ses débuts, il ne considérait pas les contes populaires comme un genre littéraire à part entière. Ecrivain précoce - à dix-sept ans, il présentait déjà des pièces au théâtre de Copenhaque - il commenca par écrire des récits de voyages, des poèmes, des pièces de théâtre et, surtout, deux romans qui le firent connaître : L'Improvisateur (1835) et Rien qu'un Violoneux (1837). Ces oeuvres trahissaient déjà sa spontanéité, sa fraîcheur, son goût du merveilleux et son sens du récit. Ces qualités, Andersen les tenait sans doute de son père, cordonnier et fabricant de jouets, qui lui lisait les Mille et UneNuits, la Bible, les comédies de leur compatriote Holberg, etc.

Par Hans Christian Andersen
Chez Les prairies numériques

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L'ombre

 

C’est terrible, comme le soleil brûle dans les pays chauds ! Les gens y deviennent bruns comme de l’acajou, et, dans les plus chauds, noirs comme des nègres. Un savant était arrivé de son pays froid dans un de ces pays chauds, où il pensait pouvoir se promener comme chez lui ; mais bientôt il fut persuadé du contraire. Comme les gens raisonnables, il fut obligé de s’enfermer toute la journée chez lui ; la maison avait l’air de dormir ou d’être abandonnée. Du matin jusqu’au soir, le soleil brillait entre les hautes maisons, le long de la petite rue où il restait. En vérité, c’était insupportable.

Le savant des pays froids, qui était jeune encore, se croyait dans une fournaise ardente ; il maigrit de plus en plus, et son ombre se rétrécit considérablement. Le soleil lui portait préjudice. Il ne revenait véritablement à la vie qu’après le coucher du soleil.

Que d’agréments alors ! Dès qu’on allumait la bougie dans la chambre, l’Ombre s’étendait sur tout le mur, même sur une partie du plafond ; elle s’étendait le plus possible, pour reprendre ses forces.

Le savant, de son côté, sortait sur le balcon pour

s’y étendre, et ; à mesure que les étoiles apparaissaient sur le beau ciel, il se sentait peu à peu revivre. Bientôt il se montrait du monde sur chaque balcon de la rue : dans les pays chauds, chaque fenêtre a un balcon, car il faut de l’air même aux gens de couleur acajou. Comme tout s’animait alors ! Les cordonniers, les tailleurs, tout le monde se répandait dans la rue. On y voyait des tables, des chaises, et mille lumières. L’un parlait, l’autre chantait ; on se promenait ; les voitures roulaient, les ânes passaient en faisant retentir leurs sonnettes, un mort était porté en terre au bruit des chants sacrés, les gamins lançaient des pétards, les cloches des églises carillonnaient ; en un mot, la rue était bien animée.

Une seule maison, celle qui se trouvait en face du savant, ne donnait aucun signe de vie. Cependant quelqu’un y demeurait, car des fleurs admirables s’épanouissaient sur le balcon, et pour cela il fallait absolument que quelqu’un les arrosât. Aussi, le soir, la porte s’ouvrait, mais il y faisait noir, une douce musique sortait de l’intérieur. Le savant trouvait cette musique sans pareille, mais peut-être était-ce un effet de son imagination : car il eût trouvé toute chose sans pareille dans les pays chauds, si le soleil n’y eût brillé toujours. Son propriétaire lui dit qu’il ignorait absolument le nom et l’état du locataire d’en face ; on ne voyait jamais personne dans cette maison, et, quant à la musique, il la déclarait horriblement ennuyeuse.

« C’est quelqu’un qui étudie continuellement le même morceau sans pouvoir l’apprendre, dit-il ; quelle persévérance ! »

Une nuit, le savant, se réveilla et crut voir une lueur bizarre sur le balcon de son voisin ; toutes les fleurs brillaient comme des flammes, et, au milieu d’elles, se tenait debout une grande demoiselle svelte et charmante, qui brillait autant que les fleurs. Cette forte lumière blessa les yeux de notre homme, il se leva tout d’un coup, et alla écarter le rideau de la fenêtre pour regarder la maison d’en face : tout avait disparu. Seulement, la porte qui donnait sur le balcon était entr’ouverte, et la musique résonnait toujours. Il fallait qu’il y eût quelque sorcellerie là-dessous. Qui donc habitait là ? où était donc l’entrée ? Tout le rez-de-chaussée se composait de boutiques ; nulle part on ne voyait de corridor ni d’escalier conduisant aux étages supérieurs.

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Contes

Hans Christian Andersen trad. David Soldi

Paru le 24/09/2022

156 pages

Les prairies numériques

15,00 €